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Dans son édito, Nicolas Beytout se penche sur l'analyse du scrutin de mardi à l'Assemblée nationale, après la présentation du plan de déconfinement d'Edouard Philippe. Si la majorité s'est un peu plus fissurée, les oppositions, de droite comme de gauche, restent désunies. 

On connaît maintenant en détail les votes des députés pour ou contre le plan de déconfinement d’Edouard Philippe. Et il est très instructif.

Le discours du Premier ministre devant l’Assemblée était en réalité une quasi-déclaration de politique générale. C’était la troisième depuis l’arrivée d’Edouard Philippe à Matignon. On peut comparer ces différents scrutins.

Et les votes ont été différents, cette fois, des deux précédents ?

Ca dépend. Côté majorité, le MoDem, par exemple, a voté pour le plan de déconfinement, dans une parfaite unanimité. Mais parmi les députés La République en Marche, ils ont été 10 à s’abstenir, et on a compté une voix contre.

Même si ces chiffres ne sont pas spectaculaires, ils sont quand même un signe préoccupant pour la majorité. Dans une circonstance aussi dramatique, avec des enjeux aussi importants que le redémarrage d’un pays en essayant de ne pas faire repartir le nombre de morts, ne pas accorder sa confiance au gouvernement lorsqu’on fait partie de ses soutiens, c’est un vrai problème.

Et encore, le groupe des frondeurs aurait pu être plus important si le Premier ministre avait maintenu son projet de traçage du virus, qui est devenu un abcès de fixation au sein de l’aile gauche du parti d’Emmanuel Macron. Ce qui est sûr, en tout cas au vu de ces votes, c’est qu’il y a peu de chances que l’unité du groupe se reforme d’ici la fin du quinquennat. On sait ce que ce type de fronde avait coûté à François Hollande. Je serais étonné qu’Emmanuel Macron ait bien vécu cela.

Et du côté des oppositions, à gauche et à droite ? 

A gauche, les communistes et la France Insoumise sont (pour toujours) dans leur logique d’opposition sans concession. Votes contre. Mais au PS, c’est plus compliqué. Le patron du parti, Olivier Faure a voté contre. Mais un tiers de son groupe s’est au contraire abstenu. "Ca n’a aucune signification pour la suite", s’est empressée de déclarer la présidente du groupe PS à l’Assemblée. Et bien si, justement, c’est quand même une division très nette, entre ceux qui veulent une opposition à tout crin, et ceux qui acceptent de ne pas bloquer le gouvernement dans sa démarche.

Ca veut dire quoi, "ne pas bloquer le gouvernement dans sa démarche" ? Vous pensez à cette union nationale qu’Emmanuel Macron a évoquée ? 

Il ne faut pas aller trop vite en besogne, mais en tout cas, ça peut faire office de tri, au cas où. D’ailleurs, la question se pose aussi à la droite qui s’est encore plus divisée. Les deux tiers se sont abstenus, comme le président du groupe Les Républicains l’avaient recommandé, un quart a voté contre le plan d’Edouard Philippe, et 11 députés l’ont approuvé.

Jamais depuis le début de cette législature, le parti Les Républicains ne s’était aussi nettement divisé. En fait, ce parti est tiraillé entre des quantités de courants, et il n’a même pas entamé son travail de pacification. Il est en position de faiblesse.

Comme avait l’habitude de dire un grand capitaine d’industrie : "il ne suffit pas d’être heureux en affaires, encore faut-il que les autres soient malheureux". Quand il regarde sa majorité et qu’il la compare aux oppositions, voilà un adage dont Emmanuel Macron pourrait se régaler.