"Un fossé économique se creuse de plus en plus entre la France et l'Allemagne"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous n’avez pas aimé une série de chiffres qui ont été publiés simultanément ces jours-ci en France et en Allemagne.

Exactement, et ce que je n’aime pas, c’est qu’ils révèlent qu’un fossé se creuse de plus en plus entre ces deux pays. Première salve de chiffres, ceux publiés chez nous par l’OFCE. Selon cet institut de conjoncture, le pouvoir d’achat des Français augmentera en 2019 comme il n’avait jamais augmenté depuis 2007, lorsque Nicolas Sarkozy était arrivé au pouvoir et avait pris toute une série de mesures fiscales et instauré la défiscalisation des heures sup’.

Toujours selon l’OFCE, les ménages toucheront en moyenne 850 euros de plus cette année, et cela grâce à trois moteurs, trois outils qui fonctionneront à plein cette année : les mesures "gilets jaunes" qui comptent pour la moitié de cette hausse du pouvoir d’achat ; la baisse de la pression fiscale (en particulier avec l’allègement de la taxe d’habitation), et puis une hausse des salaires qui devrait accompagner une croissance française qui devrait rester assez correcte.

Bonnes nouvelles donc, du côté de la France. Et du côté allemand ?

Pas bonne nouvelle. Berlin vient de réduire de moitié ses prévisions de croissance, qui n’atteindrait plus cette année qu’un petit 0,5%. Un rythme près de trois fois inférieur à celui de la France. C’est le ralentissement mondial de la croissance qui pèse le plus sur ce pays dont l’économie, comme on le sait, est largement tournée vers l’extérieur.

Et donc, le voilà ce fossé : un différentiel de croissance important ?

Oui, mais si ça n’était que ça, ce ne serait pas très alarmant. Les Allemands pensent que leur économie repartira en fin d’année, qu’elle retrouvera un dynamisme comparable à celui de notre pays aujourd’hui. Ils pensent que le chômage va continuer à baisser, peut-être pour passer sous la barre des 5% (c’est-à-dire près de moitié moins qu’en France). Fort de ces constats, le gouvernement Merkel, et son ministre de l’Économie Peter Altmaier ont décidé de ne rien faire.

Pas de relance, pas d’ouverture des vannes. La priorité reste au désendettement, et donc l’Allemagne sera, une nouvelle fois, en excédent budgétaire. Elle est là, la grande différence entre les politiques de nos deux pays.
Et c’est ça que vous n’aimez pas.

Absolument, c’est le grand écart. Face au ralentissement de son économie, la France a toujours ouvert les vannes budgétaires. Face à la crise des "gilets jaunes", la France a ouvert les vannes budgétaires. Emmanuel Macron a déjà distribué 11 à 12 milliards d’euros en décembre dernier, sans en avoir le premier sou. Ça, plus les prochaines mesures de baisse des impôts que le chef de l’Etat promet d’annoncer, et le déficit budgétaire va augmenter. Le déficit de la Sécurité Sociale, lui aussi.

Vous vous souvenez que le gouvernement avait annoncé à grand renfort de trompettes que "ça y est, la Sécurité Sociale est à l’équilibre". Raté : les mesures heures supp’ vont taper dans les recettes de la Sécurité Sociale qui replongera autour d’1,5 milliard de déficit. L’Allemagne, elle, reste figée, calée sur sa politique de désendettement, en pariant que ce sera profitable à moyen et long terme. La France lui a demandé à plusieurs reprises de relâcher cette discipline de fer. Avec zéro succès. Chaque pays s’enferme dans ses dogmes et ses habitudes économiques. Pas bonne nouvelle.

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