Retraite à 62 ans : "C'est financièrement intenable, sauf à augmenter les cotisations ou à baisser les pensions"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, vous avez aimé le débat sur l’âge légal de départ à la retraite.

Un débat très vif, qui agite profondément la majorité et qui a poussé Jean-Paul Delevoye, le Haut-commissaire chargé de cette réforme sur laquelle il planche depuis des mois, à mettre carrément sa démission en jeu. C’est sûr qu’en pleine sortie du Grand débat, cette polémique peut faire mauvais genre.

Oui, parce que Emmanuel Macron avait promis, pendant sa campagne électorale, qu’il ne toucherait pas à l’âge légal, aux fameux 62 ans.

Exactement, et c’est cette feuille de route qu’il a donnée à Jean-Paul Delevoye.

Alors, pourquoi est-ce que la question se repose ?

Parce que plusieurs ministres, plusieurs députés et beaucoup d’économistes soulignent que se bloquer sur cet âge de 62 ans est une erreur. Emmanuel Macron lui-même semble le reconnaître lorsqu’il dit (comme il l’a fait lors de son Grand débat en Bretagne), que "on part aujourd’hui à la retraite au même âge qu’en 1980". Or, depuis cette date, l’espérance de vie a augmenté de près de 10 années. Dix ans de retraite de plus, en moyenne, pour chaque inactif. C’est financièrement intenable, sauf à augmenter les cotisations (c’est-à-dire les charges), ou à baisser les pensions. Deux options évidemment impensables.
Alors ?

Alors, c’est bien d’ouvrir le sujet. Mais malheureusement, c’est l’embrouille. Les uns disent : on ne peut pas revenir sur une promesse de campagne ; les autres : on ne peut pas faire vivre le système de retraite en l’état. Alors comment faire, comment contourner la parole présidentielle ? En disant qu’il n’y a pas une, mais deux réformes des retraites. Et même qu’il y en a trois. La première est celle qui est menée actuellement : c’est l’uniformisation des régimes de retraites pour aller vers un système de retraite à point. On ne va pas entrer dans la technique, mais le principe, c’est que pour 1 euro cotisé, tout le monde, régimes spéciaux ou pas, aura accès aux mêmes droits. Une fois qu’on a établi cette règle, on peut faire varier différents paramètres. Par exemple celui de l’âge.

C’est la deuxième réforme ?

Absolument. L’astuce de ceux qui veulent dépasser ou contourner la promesse présidentielle est de dire : "ok, on fait la réforme de la retraite à points, comme promis ; une fois faite, le système ne sera pas pour autant sauvé. Donc il faut jouer sur l’âge, sur les fameux 62 ans". Et c’est en effet un sujet incontournable.
Et la troisième réforme ?

Elle concerne la dépendance, et le fait que, la vie s’allongeant de plus en plus, il y aura de plus ne plus de personnes dépendantes. Mais en réalité, ce n’est pas un sujet de retraite. C’est un sujet d’assistance, un sujet de santé, un sujet de solidarité. C’est, à mon avis, une erreur de le mêler au sujet déjà très complexe de la retraite.

Mais ça ne règle pas le problème de l’engagement d’Emmanuel Macron de rester sur l’âge de 62 ans.

C’est vrai. Mais Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics qui est un ardent défenseur du décalage de l’âge de la retraite a heureusement trouvé un argument de poids : dans sa lettre aux Français, écrite pour lancer le Grand débat, Emmanuel Macron lui-même dit qu’il faut débattre de l’âge de la retraite. Une façon pour le Président de se délivrer de son serment.