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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il revient sur la proposition d'une primaire de la gauche lancée par Anne Hidalgo, en forte chute à 3% des intentions de vote dans les sondages.

Le paysage politique a brusquement changé à gauche depuis ce mercredi soir.

Avec l’intervention surprise d’Anne Hidalgo au 20 Heures de TF1. Prenant acte que sa campagne était pour l’instant un échec (un dernier sondage la mettait hier à 3% des intentions de vote), la candidate officielle du Parti socialiste a en effet proposé de s’en remettre à une primaire populaire, un vote ouvert à tous les sympathisants de gauche pour désigner l’homme ou la femme qui porterait dans quatre mois les couleurs d’une gauche réunie.

L’idée, c’est de rassembler tous « ceux qui veulent gouverner ensemble » pour mettre fin au massacre de cette gauche éparpillée, dispersée, devenue lilliputienne et incapable de figurer au second tour de la présidentielle.

Dans la journée, Arnaud Montebourg (faisant le même constat de l’échec total de sa candidature) avait proposé, lui, de se retirer derrière un candidat commun à la gauche. En politique, une initiative individuelle, ce n’est souvent rien ; deux initiatives concomitantes, c’est un petit événement.
Est-ce que ces deux initiatives ont des chances d’aboutir ?

Aucune, non. Parce que ni Jean-Luc Mélenchon qui est sur une ligne beaucoup plus radicale (et qui déteste tout ce qui ressemble au PS), ni probablement Yannick Jadot (qui pense qu’il a déjà donné il y a 5 ans en se retirant derrière le PS et qui croit que l’heure de l’écologie est venue ; il sera tout à l’heure à cette place), ni l’un ni l’autre ne devraient accepter cette logique de la primaire des gauches. Parce que, dans ce marécage qu’est devenue la gauche, si Hidalgo et Montebourg sont aujourd’hui enlisés jusqu’au cou, Jadot et Mélenchon n’ont de l’eau que jusqu’à la taille. Ce qui alimente leur certitude qu’ils doivent tenter leur chance.

A ce jour, et en l’absence de toute esquisse d’embryon de programme commun, cette primaire des gauches revendiquée par Anne Hidalgo n’a donc pas d’avenir.
Mais il doit bien y avoir une raison pour laquelle la maire de Paris propose cette solution ?

Oui, apparaître comme celle qui porte l’étendard de l’union, celle qui est même prête à sacrifier sa petite personne à une cause plus grande qu’elle : faire gagner la gauche. Son calcul, c’est de susciter un réflexe de vote utile chez les militants et les sympathisants qui sont nombreux à vouloir le retour de la gauche au pouvoir et se désespèrent des batailles de clans et des haines qui divisent cette famille politique.

A vrai dire, les chances que ça marche sont quasi-nulles. Mais cet appel à l’union lui permet de préparer son retrait, et « par le haut » m’expliquait hier soir un des dirigeants du PS. Parce que évidemment, accepter la logique d’une primaire, c’est installer l’idée que la candidate PS pourrait ne pas gagner. C’est accepter l’hypothèse où Anne Hidalgo serait battue dans un vote des militants de toute la gauche, et c’est intégrer cette réalité absolument incroyable que, pour la première fois depuis 1965 (près de 60 ans), il n’y aurait pas de candidat socialiste à l’élection présidentielle.

Autant vous dire qu’au PS, ce choix c’est plutôt épine que pétale de rose. Surtout si on se souvient qu’Anne Hidalgo avait refusé d’en passer par une primaire dans son propre parti. Tout ça pour en arriver là, c’est tout de même avaler une sacrée couleuvre.

A gauche, la rumeur bruisse d’un retour sur le devant de la scène de Christiane Taubira. Est-ce que cette hypothèse s’intègre dans cette primaire ?

C’est vrai que ça discutaille beaucoup, à gauche, et que des quantités de gens cherchent comment dépasser les blocages et la division actuels, et vont pour cela solliciter des figures du passé, réputées populaires, comme Christiane Taubira.

En réalité, l’initiative d’Anne Hidalgo est aussi faite pour bloquer le recours à une Taubira (ou pourquoi pas à Bernard Cazeneuve, qui reste lui aussi très sollicité). Le message de la maire de Paris, c’est : inutile d’aller chercher ailleurs, je peux être porteuse du message d’union. Il faudra suivre ça de près : tout ça va mijoter jusqu’en Janvier.

A droite et au centre, on connaît les candidats. A gauche, il faudra attendre encore un peu.