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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il revient sur l'importance de cette campagne présidentielle qui pourrait bien monopoliser nos débats lors des fêtes de fin d'années. 

Aujourd’hui, 24 décembre, jour de réveillon, nous sommes aussi à 4 mois jour pour jour du second tour de l’élection présidentielle. Et justement, est-ce que les Français vont parler politique, ce soir, en famille ?

D’abord, on va tous beaucoup parler Covid et Omicron, ça va de soi. Mais beaucoup d’experts de la politique pensent que ce repas de Noël est aussi un moment décisif dans la formation du jugement de pas mal d’électeurs. Le réveillon, c’est un de ces rares instants où il peut y avoir une conversation inter-générationnelle, où les opinions peuvent se confronter et éventuellement basculer. Bref, c’est un carrefour stratégique pour ce que des publicitaires pourraient qualifier de parts de cerveau disponible. D’où ce qu’on peut appeler « le théorème de la dinde ». Ce théorème, le voici : pour gagner l’élection, il faut être le sujet du réveillon. Et de fait, beaucoup de candidats déclarés ont déjà tenté de marquer les esprits, soit avec un meeting (Eric Zemmour), soit avec un déplacement ou un voyage symbolique (Marine Le Pen aux Antilles), soit avec un slogan (Valérie Pécresse et son « Macron qui crame la caisse »), soit avec une mesure (Yannick Jadot et la chasse ou les éoliennes). Même le chef de l’Etat, pourtant pas encore candidat officiellement, a voulu prendre sa part de la conversation avec sa longue émission sur TF1, deux jours avant le début des vacances scolaires. Et puis d’autres ont aussi, bien malgré eux cette fois, fait ce qu’il fallait pour être un sujet de débat à la table du réveillon, je pense à Anne Hidalgo et ses 3% ou à Christiane Taubira en sauveur de la gauche à 2%.

Est-ce que ça signifie que c’est à Noël que se dessine déjà l’ordre d’arrivée ?

Oui et non. Je m’explique : oui, on sait déjà que ceux qui sont en-dessous de 5% auront les pires difficultés à s’extraire de cette nasse, et absolument aucune chance (sauf cataclysme absolu) de figurer au second tour de la présidentielle. Donc on connaît globalement ceux qui seront en queue de la compétition. Mais non, l’ordre d’arrivée en tête de la course ne sortira pas figé des vacances de Noël. Il y a 5 ans, par exemple, Emmanuel Macron n’était à cette date, et selon les différents sondages, qu’en troisième ou quatrième position, derrière (dans l’ordre) François Fillon, Marine Le Pen et parfois Jean-Luc Mélenchon. François Fillon s’est effondré, ça c’était imprévisible, mais le jeune créateur d’En Marche était finalement arrivé en tête du premier tour.

Donc, ce « théorème de la dinde » n’est pas démontré…

Ecoutez, il y a ceux qui y croient dur comme fer, comme Eric Zemmour et ses équipes qui soutiennent qu’il est très important d’être un sujet du réveillon. Et puis il y a ceux qui, au contraire, n’y attachent pas plus d’importance que ça et savent très bien qu’il y a des familles qui voudront éviter tout sujet qui fâche et forment déjà à cette heure-ci des vœux pour que le sujet Zemmour (comme celui de la vaccination) ne vienne surtout pas dans la conversation.

Au fond, le plus important pour les candidats, c’est que la période de la trêve de Noël ne soit pas synonyme de décrochage. Sans forcément être au cœur des discussions familiales, il faut rester présent en filigrane dans les esprits. Et cela afin d’aborder Janvier avec un élan acquis, en pleine possession de ses capacités pour ce mois absolument crucial. Car c’est souvent à cette époque que les choses se sont décantées : Edouard Balladur qui se fait remonter par Chirac, Sarkozy et son immense meeting de la Porte de Versailles à Paris, Hollande et son fameux « mon ennemi la finance » et sa taxe à 75%. Et puis, une campagne, c’est une ascension folle, avec chaque jour une étape, un enjeu. Alors, après le « théorème de la dinde », il pourrait un jour y avoir le théorème de la galette des Rois, et puis, pourquoi pas, celui des crêpes à la Chandeleur. En attendant, Joyeux Noël à tous.