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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il s'intéresse au rôle que pourrait tenir Christiane Taubira dans la campagne présidentielle et notamment dans une hypothétique primaire de la gauche.

À gauche, l’hypothèse de la primaire populaire qui permettrait de choisir un seul candidat d’union continue d’agiter les esprits.

Et de susciter aussi les stratégies les plus hasardeuses. Avec cette proposition formulée par surprise il y a une semaine, Anne Hidalgo est contente d’être revenue dans le jeu et qu’on reparle d’elle, mais ça ne l’a pas fait pour autant décoller d’un dixième de point dans les sondages. Yannick Jadot, qui a lui aussi bien du mal à se relancer, adorerait qu’on arrête de lui poser des questions sur cette primaire, tandis que Jean-Luc Mélenchon, qui a balayé cette initiative d’un revers de main, préfère passer son temps à essayer de rallier Fabien Roussel, le candidat du Parti communiste. Un joli pataquès. Mais ce n’est pas tout, parce que, doucement une autre hypothèse est apparue, un autre nom a commencé à circuler : celui de Christiane Taubira.

En fait, l’ancienne ministre de la Justice de François Hollande a été sollicitée par ceux qui rêvent d’organiser cette primaire populaire.

Et il n’y a rien qu’elle préfère davantage qu’être sollicitée, Christiane Taubira. Ça lui permet de tenir le rôle dans lequel elle s’est spécialisée depuis des années : être candidate sans l’être. Il faut dire que, la seule fois où elle s’est vraiment alignée à l’élection présidentielle, elle a (avec Jean-Pierre Chevènement) provoqué un séisme à gauche : l’élimination de Lionel Jospin et la disparition du PS, battu par Jean-Marie Le Pen, dès le premier tour (c’était en 2002). Mais en 2007, puis en 2012, en 2017, et même à l’occasion des élections régionales de 2015 en Guyane, elle avait dansé la même chorégraphie : je me débrouille pour être sollicitée, et hop, un pas en avant, un pas en arrière. Et puis, rien. 

Un sondage Ipsos pour France 2 souligne que 46% des électeurs de gauche seraient prêts à voter Christiane Taubira , ce qui en fait une meilleure candidate qu’Anne Hidalgo, par exemple.

Oui mais vu l’état actuel de la candidate PS, ça n’est pas très convaincant. J’ajoute que l’ex-députée de Guyane a un lourd passif auprès de pas mal de ses petits camarades de la gauche, qui ne lui pardonnent pas d’avoir participé au démantèlement de la majorité de François Hollande. L’affaire se passe en 2016, après les vagues d’attentats, le président de la République socialiste et son Premier ministre Manuel Valls, déjà affaiblis, veulent pousser une réforme constitutionnelle autour de la déchéance de nationalité. Christiane Taubira, pourtant ministre de la Justice en charge de ce projet, n’aura de cesse de dire son opposition avant de mettre en scène sa démission pour finir de planter la réforme. Ça laisse des traces…

Un des principaux dirigeants du PS me disait hier soir que la choisir comme candidate unique de la gauche, ce serait « une catastrophe » : d’abord parce qu’elle représente désormais une aile gauche de la gauche, très identitaire, ultra perméable aux théories woke et aux questions de racialisme. Pour lui, Christiane Taubira, ce serait la fin de la gauche républicaine. Et puis (je le cite, parce que c’est assez brutal comme argument), elle serait « le meilleur agent électoral d’un vote pro-Zemmour ». Le candidat de Reconquête aurait en effet en visuel (c’est toujours lui qui parle) la traduction concrète de ce qu’il raconte, avec le risque d’une campagne violente et de dérapages. Il ne faut pas oublier non plus que, au-delà de son côté icône pour une certaine gauche, Christiane Taubira a une image très tranchante dans la population française. Dès qu’on fouille un peu dans les études d’opinion, on s’aperçoit qu’elle est rejetée par une nette majorité de Français.

Dans un sondage OpinionWay qui combine l’intention de vote et le jugement des Français sur la personnalité, elle arrive tout en bas du classement derrière Marine Le Pen et juste devant Eric Zemmour. Un pas en avant, et surtout, un pas en arrière.