Pouvoir d'achat : "L'erreur politique du gouvernement est d'avoir cru que des statistiques étaient plus fortes que le sentiment de chacun"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, ce samedi vous avez aimé la baisse des cotisations chômage qui est désormais visible sur les feuilles de paie du mois d’octobre.

Oui, et c’est la seconde baisse des cotisations sociales cette année, après un premier stade en janvier dernier. C’est une bonne mesure qui atténue la différence, toujours impressionnante entre le salaire brut qui est inscrit en haut de la feuille de paye des salariés, et le salaire net, tout en bas, ce qui est versé en réalité, une fois déduites toutes les retenues, toutes les charges sociales. Alors attention, ça ne diminue pas le coût du travail : pour l’employeur ça ne change rien ; il continue à débourser la même somme pour chaque salarié : le salaire brut dont on parlait il y a un instant, plus les charges patronales. Mais je le redis, c’est une bonne mesure parce que ça valorise la rémunération du travail (c’est un point essentiel : ça permet d’accentuer la différence entre les revenus de celui qui travaille et les revenus de remplacement, les revenus de ceux qui ne travaillent pas, Sécu, chômage, etc).

Ça veut dire que les salariés ne cotiseront plus pour le chômage ?

En effet, et c’est mine de rien une évolution majeure. Jusqu’à présent, la protection sociale au sens large (chômage, maladie, retraite, allocations familiales) tout était financé par des cotisations payées par les salariés et les employeurs. Ce sont les charges sociales. C’est un système d’assurance : on cotise, on reçoit lorsque le risque survient.

Le problème, c’est que l’équilibre entre cotisants et assurés s’est dégradé. Le nombre de ceux qui ne travaillent pas a explosé par rapport à ceux qui travaillent. Ce n’est pas seulement la question du chômage, mais c’est la question du rapport démographique entre ceux qui ont un emploi, et tous ceux qui par exemple font des études longues et qui entrent tard sur le marché du travail, ou ceux qui partent à la retraite et vivent longtemps, beaucoup plus longtemps qu’avant. On a commencé petit à petit à comprendre que tout faire dépendre de cotisations payées par le travail (par les seuls salariés et employeurs), ça n’était plus tenable.

Et donc on a cherché une autre "assiette" comme on dit.

Voilà. Il y avait le choix, d’ailleurs. On aurait pu, comme beaucoup de pays, augmenter la TVA, autrement dit faire payer les prestations sociales par ceux qui consomment, c’est-à-dire tout le monde (et plus seulement par ceux qui travaillent). Emmanuel Macron a privilégié une autre piste : faire payer une partie des cotisations par les contribuables, au travers de la CSG.

Avec des conséquences sur le pouvoir d’achat.

Oui, pour les retraités, en particulier, qui n’ont pas de salaire donc pas de baisse des charges, ni de compensation. Alors le gouvernement proteste beaucoup, dans cette affaire du pouvoir d’achat. Il met en avant la réduction d’une partie de la taxe d’habitation pour 80% des Français, il met en avant les baisses de cotisations, il met en avant les statistiques qui disent clairement que sur la fin de cette année le pouvoir d’achat aura augmenté. Malheureusement pour lui, rien n’y fait : la hausse des carburants (due en partie aux nouvelles taxes sur l’essence et le diesel), l’inflation qui est plus vive que l’an dernier, tout ça donne le sentiment que le pouvoir d’achat est en baisse. C’est l’erreur politique du gouvernement : avoir cru que des statistiques étaient plus fortes que le ressenti, que le sentiment de chacun face à ce qu’il reste dans son porte-monnaie à la fin de chaque mois.