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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, il s'intéresse à la stratégie à employer pour remporter une élection présidentielle. Selon lui, il est essentiel d'affirmer ses positions dures dans la campagne du premier tour, puis de les élargir pour celle du second tour en arrondissant les angles.

Nicolas Beytout revient ce mardi matin sur une candidate surprise à la présidentielle. Elle s’appelle Hélène Thouy, elle est encore peu connue, mais elle est déjà créditée dans un sondage Ifop de 2% des intentions de vote.

C’est-à-dire plus que les « usual suspects » de l’extrême-gauche, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, autant que l’ex-ministre de la Remontada Arnaud Montebourg ou que Nicolas Dupont-Aignan. Autant dire que ce capital de voix n’est pas totalement négligeable. Hélène Thouy est la représentante du parti animaliste. Elle avait déjà conduit une liste aux élections européennes, il y a deux ans (elle avait réuni 2,2% des suffrages). Son programme de défense des animaux et de leur bien-être est très populaire, et ne laisse d’ailleurs personne indifférent dans la classe politique. Je peux vous l’assurer, tous les candidats auront leur séquence « La vie des bêtes ». Même en macronie, on a repéré le sujet comme étant un créneau très porteur.

Est-ce qu’on peut en conclure que cette candidature (pour l’instant potentielle) peut aller loin ?

En jouant un peu sur les franges de l’électorat écolo, c’est possible, oui. Mais aller très loin, non. Et cela pour une bonne raison : notre élection présidentielle est un scrutin à deux tours, et cette règle a une conséquence très précise sur la façon dont les Français déterminent leur vote. Un dirigeant socialiste du siècle dernier, qui n’a pas laissé à gauche que des bons souvenirs, (Guy Mollet) avait quand même eu une phrase qui est restée dans les mémoires de quiconque s’intéresse à la politique : au premier tour, avait-il expliqué, on choisit ; au deuxième tour, on élimine. En l’occurrence, si on est ému par la cause animale, alors on peut choisir de voter Thouy au premier tour. Mais au second, on éliminera celui ou celle qui n’en parle pas (ou pas assez). Et un programme uniquement basé sur le sommaire de « 30 millions d’amis, nos amis les bêtes » n’a aucune chance de passer la rampe.

Et ça marche avec d’autres exemples ?

Cette loi a toujours fonctionné jusqu’ici. Je ne vais pas vous faire l’historique des 10 élections précédentes, mais rappelons-nous simplement des seconds tours de Nicolas Sarkozy éliminé face à François Hollande, ou plus loin de Giscard battu par Mitterrand. Choisir/ éliminer, concrètement cette loi de science politique signifie que pour faire un bon premier tour, il faut cliver pour se distinguer de ses concurrents, mais qu’au deuxième tour il faut limer les aspérités de son programme pour rassembler et éviter d’être éliminé. Regardez ce qui se passe en ce moment à l’extrême droite. La percée d’Eric Zemmour a été rendue possible parce qu’il mène une pré-campagne très clivante, et que ce qu’il dit entre en résonnance avec ce dont parlent beaucoup de Français ; lesquels promettent donc (dans les sondages) de choisir au premier tour le candidat Z. Rien à voir avec Marine Le Pen qui a fait, elle, un choix rigoureusement inverse : ses premiers thèmes de campagne étaient des thèmes de second tour. Au lieu de cliver, comme d’habitude, elle a tout fait pour ne pas risquer d’être sortie au deuxième tour, comme elle l’avait été en 2017, y compris par des électeurs pas macronistes pour deux sous, mais qui voulaient éliminer le Front national ; cette fois, elle a d’abord cherché à rassembler (avec un slogan mou, sur la liberté). Résultat, elle a désorienté ses électeurs qui ont trouvé plus mobilisateur qu’elle. A tel point qu’elle a été obligée de réagir et de modifier sa campagne, pour revenir à une posture plus tradi pour elle, plus à même de susciter un choix de premier tour.

Sauf que si un candidat veut gagner au second tour, il doit ensuite arrondir les angles, rassembler.

D’où l’importance du bon dosage entre les positions dures d’une campagne de premier tour et l’élargissement du second. C’est une des clefs de la victoire, et c’est pour ça qu’on peut déjà prédire que, s’il ne change rien à sa façon de faire campagne et de multiplier les coups d’éclat ou les provocations, Eric Zemmour n’a aucune chance de gagner la présidentielle.