Plaintes classées sans suite contre le gouvernement : un revers pour tous ceux qui veulent traîner les politiques devant la justice

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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il revient sur le classement sans suite des plaintes déposées contre le gouvernement pour sa gestion de la crise sanitaire.

La Cour de justice de la République a rejeté en début de semaine près de 20.000 plaintes qui avaient été déposées contre la gestion par le gouvernement de la crise sanitaire.
Oui, et c’est d’abord une gifle donnée à un avocat et à ses pratiques : Fabrice Di Vizio, c’est son nom, s’est en effet fait une spécialité de déposer plainte contre les membres du gouvernement. Plainte contre Edouard Philippe, puis contre Jean Castex et contre Olivier Véran, le ministre de la Santé, pour « délit d’abstention de combattre un sinistre » (le Covid, bien sûr), pour « délit d’extorsion » et « délit de publicité mensongère », rien que ça. Contre Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education, une plainte pour « contrainte morale », celle qui s’exercerait selon lui sur les enfants confrontés au vaccin, et contre Jean-Marie Djebbari, en charge des Transports, une plainte pour avoir laissé les Français se faire contaminer dans les trains. Tout ça est un peu foutraque, mais à défaut d’être classique, ces procédures pouvaient paraître banales. Ce qui l’est moins, c’est le petit business que l’avocat Di Vizio a monté à cette occasion. Il a ouvert un site internet, mis en ligne des modèles de plainte pré-remplies que les opposants à la stratégie sanitaire du gouvernement n’avaient plus qu’à compléter et faire déposer, moyennant 2 euros. Avec 19.685 plaintes déposées, ça fait un petit chiffre d’affaires, auquel il faut ajouter les 80.000 signatures, en partie payantes celles-là aussi, qu’il a récoltées pour financer un recours contre un des décrets sanitaires du gouvernement.

Mais finalement, toutes ces plaintes ont été classées sans suite.

Exactement, fin de l’épisode, et un coup d’arrêt à cette forme d’industrialisation du dépôt de plainte. François Molins, le Procureur général près la Cour de Cassation, s’était inquiété de cette manœuvre destinée à la fois à engorger la justice et à faire pression sur les juges qui se retrouvaient confrontés à un mur des plaignants. Le rejet en bloc de ces quelques 20.00O dossiers, c’est donc une façon de mettre un coup d’arrêt à une instrumentalisation de la justice par des plaideurs sans scrupule. Cet avocat, Me Di Vizio est d’ailleurs bien connu de tous les complotistes. Défenseur du Professeur Raoult, proche de Florian Philippot avec lequel il défile le samedi contre la politique sanitaire du gouvernement, il est à la pointe du combat des anti-vax (il se proclame lui-même emmerdeur non vacciné), et il se multiplie sur les réseaux sociaux ou sur le plateau de Cyril Hanouna pour expliquer que, oui, le virus a été créé par les Chinois dans un laboratoire de Wuhan, et oui, la grippe des enfants tue davantage que le Covid.

Fin de l’épisode, disiez-vous, mais est-ce que c’est aussi la fin du feuilleton ?

Ah non. Peu après la décision de la Cour de Justice, il publiait une vidéo menaçant d’organiser le même cirque contre le pass vaccinal. Eh oui, il faut qu’il fasse vivre sa petite entreprise : une association pour lever des fonds, son site Internet dédié, un cabinet d’avocat qui s’affiche comme spécialiste du droit de la santé publique, une petite galaxie et des méthodes qui ont fait réagir l’ordre des avocats et le barreau de Paris qui ont lancé une procédure disciplinaire contre Fabrice Di Vizio. Mais pour l’instant, le plaideur a l’air inarrêtable. Et puis, il n’est pas le seul à en passer par la justice pour contester des décisions d’hommes et de femmes politiques. Ça fait partie des dérives de la démocratie, faire poursuivre en justice des ministres pour leur action au gouvernement, pour leur demander des comptes. Et les magistrats ne se pincent pas toujours le nez en recevant ce genre de plainte. Le coup d’arrêt mis par la Cour de Justice sanctionne un abus manifeste, une instrumentalisation du droit. Ce serait une bonne nouvelle que ce classement sans suite ait valeur d’exemple.