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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce lundi, il s'intéresse au référendum pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

Le gouvernement a pris, à la veille du week-end, une décision essentielle pour l’avenir de nos frontières.

Quand on parle protection des frontières, en ce moment, on pense bien sûr d’abord au problème des milliers de migrants manipulés par la Biélorussie et qui s’entassent à la frontière polonaise. Ou alors, on pense au sujet lancinant des candidats à l’exil qui arrivent en Europe depuis l’Afrique du Nord ou qui passent par la Turquie. On peut aussi penser au conflit qui menace de renaître avec la Grande-Bretagne sur la question des frontières avec l’Irlande. Tous ces dossiers sont évidemment très importants, mais ils ne concernent pas directement nos frontières nationales, celles de notre pays. Alors que, bientôt, les habitants d’un territoire de la République devront dire si oui ou non ils veulent rester Français. Ce territoire, c’est la Nouvelle-Calédonie.

Elle doit voter dans un mois, le 12 décembre prochain, par référendum.

Voilà, pour dire une nouvelle fois s’ils veulent ou pas de l’indépendance. Attention, pas l’autonomie, pas un statut spécial, non : l’indépendance. Ce qui signifie que si le oui l’emporte, alors la France perdra un morceau de territoire situé à l’autre extrémité du globe, une île dont la position géo-stratégique est récemment apparue plus cruciale que jamais. La Nouvelle-Calédonie est en effet située dans une région du monde qui ressent lourdement la pression de la Chine. Elle est voisine de l’Australie. Or ce qui se met en place dans cette partie du monde, c’est les éléments d’un rapport de force entre l’occident (mené par les Etats-Unis avec l’Australie qui nous a humiliés dans l’affaire des sous-marins) et la Chine. Avec la Nouvelle-Calédonie française, nous avons un point d’accès à cette mer qui est absolument cruciale. Si le oui à l’indépendance l’emportait, dans un mois, ce serait une grave perte pour nos frontières, un rétrécissement préoccupant de notre influence dans le monde. Et, bien entendu, politiquement, cette entaille dans notre souveraineté nationale, ce serait une lourde défaite pour Emmanuel Macron. Ce n’est pas lui qui a lancé l’affaire, c’est même un des dossiers les plus vieux et les plus piégeux de la République. Il traîne depuis 1988, c’est dire. Mais c’est lui et son gouvernement qui doivent gérer cette échéance prochaine du référendum. Du troisième référendum, devrais-je dire…
Parce qu’il y a déjà eu deux précédents référendums, et toujours sur l’indépendance.

Exactement, et à chaque fois, le non à l’indépendance l’a emporté. A chaque fois, la France a pu conserver ses frontières et rester chez elle sur ce territoire. Mais à chaque fois, les indépendantistes (pour l’essentiel les Kanaks) ont obtenu le droit de revoter. C’est un délice de la démocratie là-bas : quand les indépendantistes perdent un scrutin, allez hop, on revote. Il faut dire qu’aux deux précédentes consultations, le oui n’était pas très loin de gagner : 43,3% la première fois, 46,7% la deuxième, à ce rythme, et à l’usure, la majorité était à portée de main.

Et on a des projections pour dans un mois ?

Oui, c’est quasiment joué. Les indépendantistes vont perdre, une troisième fois. En fait, leur position s’est largement dégradée depuis un an. Le FLNKS, le parti kanak, est au pouvoir sur le Caillou (comme on surnomme la Calédonie), mais le gouvernement local est dépassé par des grèves, des violences, et il est incapable de se choisir un dirigeant. Conscients que la victoire allait leur échapper, les indépendantistes ont pris prétexte du Covid pour demander un report du scrutin, et menacé de boycotter le scrutin.  Raté, Sébastien Lecornu, le ministre en charge des Outre-mer l’a confirmé à la veille du week-end, il est resté ferme : le vote aura bien lieu le 12 décembre. Restera à tenir ensuite, pour éviter le grotesque d’un quatrième référendum. Et éviter que nos frontières ne soient en permanence soumises au chantage .