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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, il s'intéresse à la position du patronat en vue de l'élection présidentielle. Le Medef va auditionner une demi-douzaine de candidats, les mieux placés.

Le Medef a présenté ce lundi ses propositions en vue de l’élection présidentielle.

Un programme intitulé « Faire réussir la France », je devrais dire tout un programme, puisqu’il contient une trentaine de propositions de réformes, résultat d’un travail de terrain mené auprès des chefs d’entreprises de tout le territoire. Un résultat assez étonnant, à vrai dire, et très différent de ce que le patronat a pu produire à certaines époques. Par exemple, cette phrase placée en gros caractères dans le livret diffusé par le Medef : « Le but de la croissance économique est plus large que la croissance elle-même : il est de contribuer à l’équilibre social et de permettre la transition écologique tout en améliorant le pouvoir d’achat des ménages ». Un bénéfice collectif, en somme. On est loin du discours revendicatif d’un patronat qui verrait tout au travers du filtre de son compte d’exploitation.

Et qu’est-ce qui explique cette évolution, selon vous ?

La crise sanitaire, et le choc économique et social qui en est résulté. Le regard général des Français sur les entreprises a changé parce que, prises dans leur ensemble, elles ont su gérer et s’adapter à cette invraisemblable période. Les Français ont vu que les entreprises souffraient, comme eux, et qu’elles n’étaient pas épargnées par les difficultés. Très vite, elles se sont mises en mode survie, bricolant des filières pour trouver ou fabriquer des masques et du gel, et s’adaptant vaille que vaille au télé-travail. Et puis, rappelez-vous, dès le début du confinement, le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, avait demandé la suspension de la réforme des retraites, alors qu’il était le plus fervent défenseur d’un recul de l’âge de la retraite. Objectif : ne pas rajouter une crise à la crise. La bonne gestion de ces différents épisodes a redonné du lustre à l’image des patrons, qui ont su montrer qu’ils avaient (eux aussi) le sens de l’intérêt général. Et le retour au travail, très attendu par beaucoup de Français excédés par le confinement, a accentué la vision d’une entreprise positive.

Bon, ça c’est le regard des Français. Mais les patrons ?

C’est la même chose, la crise a fait évoluer leur regard. Ils ont aujourd’hui une vision plus large de leur responsabilité, parce qu’ils ont admis que les entreprises avaient un rôle plus large dans la société. Alors bien sûr, on retrouvera dans leur programme présidentiel les thèmes classiques de la baisse des charges et des impôts (les fameux impôts de production). On verra aussi des développements sur l’efficacité nécessaire de la dépense publique ou sur le danger d’en endettement excessif. Mais la tonalité générale du discours sur la réussite de la France est, disons, celle d’un libéralisme légèrement teinté, mais oui,  de social-démocratie, en particulier dans le chapitre sur le poids de l’éducation et de la formation dans la lutte contre le chômage. Et puis, évolution notable là encore par rapport à il y a quelques années, la transition écologique vers le zéro carbone est partout, une transition rendue possible avec les entreprises, bien sûr, et par la croissance.

Et est-ce que le Medef se prononcera pour un candidat ? Traditionnellement, ils ne le font pas, n’est-ce pas ?

Non, ils ne le faisaient plus depuis 1981 et l’élection de François Mitterrand. Evidemment, les temps ont changé, la gauche qui nationalisait les entreprises, qui voulait augmenter massivement les impôts et interdire les licenciements, cette gauche-là s’est effondrée. Inutile, donc, d’écraser la craie en soulignant le danger de tel ou tel programme. Cette fois-ci, le Medef va auditionner une demi-douzaine de candidats, les mieux placés. Ce sera dans un mois, mais ce sera surtout l’occasion pour les patrons de faire passer leurs messages. Pas plus. Tout juste admet-on en confidence, que ni Eric Zemmour ni Marine Le Pen ne séduisent dans leurs rangs. D’ailleurs, en cas de duel au second tour entre l’extrême-droite et Emmanuel Macron ou Valérie Pécresse, le Medef pourrait faire savoir qu’il faut que la France reste attractive. Je vous le dit : tout un programme.