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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce lundi, il revient sur le meeting d'Emmanuel Macron samedi à La Défense Arena.

Vous revenez sur le meeting d’Emmanuel Macron, samedi à La Défense Arena. C’était son premier et son dernier meeting de campagne…

Oui, un rassemblement géant dont on avait découvert les préparatifs, quelques jours avant qu’il se tienne, grâce à une vidéo tournée et diffusée par les équipes de campagne du Président-candidat. Façon de montrer toute l’importance qu’Emmanuel Macron accordait à cet événement qui devait donner le coup d’envoi de la dernière semaine avant le premier tour de la présidentielle. Sur la forme, le show était incontestablement réussi : une entrée de star, avec musique, feux d’artifice, déambulation au milieu de la foule et des ovations en veux-tu en voilà pour le candidat, debout, seul sur une scène immense en forme d’hexagone. Emmanuel Macron voulait (c’est lui qui le dit dans la vidéo) "un truc d’événement sportif", il l’a eu. Mais pour le reste, pas sûr que le discours ait été à la hauteur de la promesse…

Et cette promesse, quelle était-elle ?

Ce que voulait le candidat, (et je cite là encore la vidéo), c’est "musique, et là, bam, tac", tout ça avec un geste tranchant de la main, du genre droit au but. Bon, en réalité, on a eu 2h10 de discours. Pas très "bam, tac". C’est son péché mignon, au candidat : faire long (4 heures de conférence de presse, 2 heures de discours). Ça a un avantage, ça permet de parler de tout et à tout le monde, catégorie de Français après catégorie de Français. Ça a un inconvénient, cette profusion de détails, de promesses, d’engagements dans un même discours : on risque d’en oublier le sens. Et cela d’autant plus qu’Emmanuel Macron a pris un malin plaisir à multiplier les emprunts à la gauche, à la droite, et jusqu’à s’approprier leurs slogans. C’en était presque caricatural : "la France unie" et "la force tranquille", de Mitterrand, le "travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy, et même une variante du "changement c‘est maintenant" de François Hollande. Et puis, comble de l’audace, le slogan d’Olivier Besancenot "leurs vies valent mieux que tous les profits". On avait jusque-là une stratégie "et de gauche et de droite" (on se souvient que c’est comme ça qu’Emmanuel Macron avait gagné en 2017), on a cette fois-ci une stratégie "attrape-tout".

Et est-ce que cette stratégie tous azimuts peut fonctionner ?

À condition, je le redis, qu’elle ait un sens, qu’elle permette de dégager une ligne directrice. Lors de sa conférence de presse de lancement de son programme, le chef de l’État avait clairement ancré son programme sur la droite, avec des mesures symboliques comme le recul de l’âge de la retraite, la création d’une contrepartie exigée des allocataires du RSA ou encore le grand projet d’autonomie de l’école. Eh bien, hier, changement de discours et cap à gauche : le candidat-Président a longuement énuméré les mesures sociales de son programme (sans beaucoup d’égards pour la dépense publique, d’ailleurs). Il a aussi entrepris de se remettre d’aplomb avec les enseignants, ces "artisans de la République" qu’il a fait applaudir par la foule. Il avait osé dire, il y a une quinzaine de jours, que certains enseignants n’avaient pas été à la hauteur, pendant le confinement. Hop, demi-tour, cet électorat est trop important pour ne pas le câliner. Evidemment, rien de tout cela n’est le fruit du hasard. Depuis une semaine, l’ambiance a changé dans le camp du Président-candidat. Le risque d’une victoire de Marine Le Pen au second tour n’est plus balayé d’un revers de la main. Toute la journée de vendredi, le petit monde médiatico-politique a bruissé d’une rumeur : un sondage allait être publié avec Marine Le Pen à égalité (50-50) avec Emmanuel Macron. Il n’en a rien été (le JDD par exemple donne un rapport 47-53). Mais la candidate Rassemblement national monte. Et Emmanuel Macron, qui est assuré d’être très bien placé au premier tour, sait qu’il doit maintenant mobiliser les reports de voix au second tour. En particulier ceux de la gauche, qui (dans les sondages) se reporteraient très mal sur le Président sortant. La droite un jour, la gauche le lendemain. Bam, tac, une drôle de campagne.