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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, vous n’avez pas aimé les annonces du gouvernement sur le budget, la dette et le déficit publics.

Exactement, une série de cocoricos tous plus enthousiastes les uns que les autres sur la croissance qui, l’an dernier, a été finalement "meilleure que prévu", sur la dette de la France qui est "restée en-dessous des 100% de notre production de richesse nationale", ou de nos déficits publics qui sont tombés à 2,5% du PIB, alors qu’on attendait 2,6%. Et, ajoutait-on du côté du gouvernement, c’est la première fois depuis plus de 10 ans que les déficits publics de la France se situent deux années de suite en-dessous de la fameuse barre des 3%.

Et c’est faux ?

Non, c’est factuellement exact, mais disons que c’est pour le moins trompeur. Prenons la croissance, par exemple : elle est meilleure que prévu, c’est vrai, mais elle se monte à 1,6% au lieu de 1,5%. Pas de quoi pavoiser, surtout lorsqu’on sait (on l’a déjà dit ici) que cette croissance est due en partie aux mesures "gilets jaunes", mesures qui ont été lâchées à crédit. Tenez, la dette, justement : certes en moyenne nous sommes en-dessous de 100% du PIB, mais cette barre a été ponctuellement franchie à plusieurs reprises l’an dernier. Et cela fait de nous un des pays les plus endettés de notre continent.

Quant au déficit public, s’il est exact qu’il est resté en-dessous des 3%, il va à nouveau déraper et franchir cette barre symbolique dès 2019. Concrètement, il va passer de 60 milliards d’euros à 100, peut-être même 110 milliards d’euros. Pas de quoi pavoiser surtout si on ajoute qu'en moyenne, le déficit chez nos voisins européens est trois fois moins important.

Bon, j’entends vos arguments, mais est-ce que ce n’est pas très classique de la part d’un gouvernement de présenter le bon côté des choses ?

De faire de la politique, vous voulez dire ? Oui, bien sûr ! Mais quand c’est à ce point trompeur, ou quand ça donne à ce point le sentiment que, ça y est, on a fait le boulot, l’effort de redressement de la France est là, sous nos yeux, alors, je trouve que c’est trop. Je vous donne un autre exemple. Gérald Darmanin affirme que la pression fiscale a baissé en 2018, grâce par exemple à la baisse de la taxe d’habitation et à la suppression de l’ISF. Sauf que les impôts et les taxes ont augmenté : près de 1.260 milliards d’euros sont entrés dans les caisses, c’est 2,3% de plus que l’an dernier. L’impôt sur le revenu a rapporté 2,6 milliards de plus. La CSG a rapporté 25 milliards de plus, la TVA 7 milliards.

Alors comment expliquer les affirmations du Ministre des Comptes de l’Action publique, Gérald Darmanin ?

C’est simple, il parle en pourcentage, il explique que les impôts ont augmenté moins vite que la production de richesses. En pourcentage, ils ont donc diminué. Ok, mais moi je vous parle en valeur, et je suis convaincu que lorsqu’ils payent leurs impôts, les Français ne raisonnent pas en pourcentage, mais en valeur !

Et c’est la même chose pour les dépenses publiques ?

Oui, elles augmentent encore (moins), mais elles augmentent en valeur. Et surtout, on voit que l’essentiel des économies est venu non pas de l’Etat mais des collectivités locales, du système hospitalier et des acteurs de santé. En somme, le gouvernement peut leur dire merci.