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Le Président de la République a officiellement perdu la majorité à l'Assemblée Nationale après la création, par 17 députés dissidents, d'un neuvième groupe parlementaire, un record. Mais en voulant faire exister l'aile gauche de la République en Marche, ces élus risquent surtout de pousser Emmanuel Macron a cherché des soutiens sur sa droite. 

Dans la très courte histoire de La République en Marche, la journée de mardi restera marquée d’une pierre noire. Le parti d’Emmanuel Macron a en effet perdu la majorité à l’Assemblée.

Ils étaient 314 en sortant des élections législatives, il y a trois ans. Ils ne sont plus désormais que 288, soit un de moins que la majorité absolue. C’est évidemment un mauvais signal pour ce jeune parti qui n’a cessé, depuis son accession au pouvoir, de perdre des éléments ou d’en exclure d’autres.

Alors, bien sûr, cette érosion accélérée est une conséquence directe de l’assemblage hétéroclite des soutiens d’Emmanuel Macron. C’est l’inconvénient d’avoir été, dès l’origine, et de gauche et de droite. Ça, plus l’attrait de la victoire, avait rameuté des candidats divers. 

Et sur le plan politique, est-ce que le chef de l’Etat en sort fragilisé ?

Dans l’immédiat, l’image est mauvaise, évidemment. Mais en pratique, ça ne change pas vraiment sa latitude d’action. Il a en effet toujours pu compter sur le soutien actif du MoDem et du groupe Agir, des centristes dont certains membres sont au gouvernement. Mais à plus long terme, et en particulier dans la perspective de 2022, ces défections signifient qu’Emmanuel Macron aura plus de mal à refaire le coup du "hold-up" politique, comme il le dit lui-même. La gauche et les écolos seront plus réticents. 

Et les partants, ceux qui viennent de quitter LReM, ils ont quel projet ?

Celui de fonder un groupe parlementaire, un neuvième au sein de l’Assemblée, record battu, ce qui au passage en dit long sur l’éparpillement de la vie politique française. Il s’agira en réalité d’un micro-groupe de 17 membres, assez hétéroclite lui aussi.

Un assemblage d’écologistes, de socialistes, qui avaient tenté leur chance dans le sillage d’Emmanuel Macron, et puis d’autres, survivants de tout ce que la gauche compte de mouvements opportunistes, parmi lesquels l’ancienne ministre Delphine Batho, qui est de toutes les nouvelles aventures ou presque. Il y a aussi Cédric Villani, en rupture parisiano-macroniste. 

Et leur objectif politique, il est donc de peser à gauche ? 

Exactement, de faire valoir à l’extérieur du parti ce qu’ils n’ont pas pu faire en tant que députés En Marche. A vrai dire, si leur parcours est aussi chaotique que l’a été leur lancement, c’est mal parti. Car en se décidant maintenant, ils commettent trois erreurs.

D’abord un contretemps : essayer d’exister en faisant dissidence au moment où le chef de l’Etat appelle à la concorde nationale, ça fait vraiment vieille politique. Ensuite un contresens puisque tous ces écolos et européens convaincus décident de prendre le large au moment même où Emmanuel Macron décroche un label européen, et engage avec l’Allemagne une relance verte.

Troisième faute, enfin : quand on veut peser à gauche, on ne jette pas son ancien parti dans les bras du centre et de la droite. Car c’est par là désormais qu’Emmanuel Macron devra consolider ses futures majorités, pas à gauche.

Ces soldats perdus du macronisme ont sûrement le sentiment d’avoir eu beaucoup d’audace en franchissant le Rubicon. Pas de chance, c’est pour se retrouver dans une impasse.