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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il s'interroge sur le phénomène de "dégagisme" qui semble émaner de la campagne présidentielle.

Robert Ménard a affirmé ce jeudi qu’il y avait "plus d’appétit chez Eric Zemmour que chez Marine Le Pen".

Il faut prendre les propos du maire de Béziers avec un peu de recul : ça fait plusieurs fois qu’il dit alternativement du bien ou du mal de Marine Le Pen ou d’Eric Zemmour. Cette fois, c’est tombé du bon côté pour le presque-candidat. Mais ce qui est significatif, c’est ce qu’il déclare, dans la même envolée, sur la patronne du Rassemblement national : "Elle apparaît comme un peu vieillie, dépassée. On a beaucoup vu les Le Pen", et, ajoutait-il en faisant mine de s’en affliger : "Elle mérite beaucoup mieux que ça".

"Vieillie, dépassée", ça rappelle une fameuse sortie de Lionel Jospin.

C’était pendant la campagne électorale de 2002, Lionel Jospin était le Premier ministre de cohabitation de Jacques Chirac et il avait accusé le président de la République d’être "vieilli, usé, fatigué". Une gaffe monumentale, parce que s’attaquant au physique de son adversaire. Il avait d’ailleurs été obligé de s’excuser. On connaît la fin de l’histoire, ça ne lui a pas porté chance puisqu’il sera ensuite éliminé dès le premier tour de la présidentielle. Et tenez, justement, Lionel Jospin (84 ans) ressort de sa retraite. Il sera à Lille, demain, avec Martine Aubry pour le grand meeting d’Anne Hidalgo. Ce sera un moment crucial pour la maire de Paris et candidate officielle du Parti socialiste pour 2022. Sa campagne pour l’instant fait du surplace, ou plutôt, elle recule avec des sondages qui la mettent à 4% des intentions de vote. Et la question qui se pose, c’est : est-ce que produire sur la tribune du meeting des stars d’hier ou même d’avant-hier, des figures qu’on a "beaucoup vues" (selon les termes de Robert Ménard), est-ce que c’est une bonne idée de campagne ? Lionel Jospin c’est la campagne de François Mitterrand en 1988, et la sienne en 2002 (il y a 20 ans). Quant à Martine Aubry, elle a dirigé le PS pendant trois ans jusqu’en 2011 (il y a 10 ans). Pour un parti qui a du mal à capter l’air du temps et à se trouver un corpus idéologique en phase avec les préoccupations du moment, ce grand bond en arrière fait un peu étrange. Pas sûr, en tout cas, que ça fasse décoller la campagne socialiste.

C’est quoi ? C’est une nouvelle expression du dégagisme ?

C’est possible, oui. Il y a cinq ans, lors de la précédente présidentielle, le dégagisme c’était une façon de dire "sortez les sortants". Ce thème avait d’ailleurs été largement utilisé par Jean-Luc Mélenchon. Or je remarque que c’est lui, cette fois, qui risque d’être victime du nouveau dégagisme. Le leader de La France insoumise est en campagne pour la 3ème fois à ce niveau-là, mais il patine dans les sondages. Et la petite musique qui s’installe, celle qui sort du verbatim de certains électeurs s’exprimant au travers des sondages, c’est que Jean-Luc Mélenchon, ce n’est plus son tour. C’est dégager non plus les sortants, mais dégager les permanents. Ce n’est pas l’âge le sujet, mais l’ancienneté dans le paysage politique. A l’inverse, Michel Barnier, pourtant septuagénaire, ne subit pas ce genre de critiques.

Il y a cinq ans, le dégagisme visait les sortants, en tout cas ceux qui avaient gouverné. Est-ce que cet avatar du dégagisme que vous pointez aujourd’hui va toucher Emmanuel Macron à son tour ?

Si on en juge par les sondages, non, pour l’instant ce n’est pas ce qui prend. Mais ça n’empêchera pas le Président sortant d’avoir à affronter son bilan. Mais là, on est dans une figure beaucoup plus classique de la politique, et pas moins dangereuse puisque, hors cohabitation, aucun président de la République n’a été réélu depuis le Général De Gaulle. C’est le dégagisme à la française.