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Comme l'hydro-chloroquine, dont l'utilisation pour soigner le coronavirus suscite la controverse, le coronabond possède ses amateurs et ses détracteurs. Certains le présente comme le remède miracle contre la crise économique qui va secouer le monde. 

A côté du débat sur l’hydro-chloroquine supposée soigner le coronavirus, un autre produit suscite les mêmes controverses. C’est le coronabond.

Dans la guerre contre le coronavirus, il y a deux fronts : la bataille sanitaire contre la maladie elle-même, et puis la bataille économique contre la paralysie de toute l’activité. Pour lutter contre la pandémie, certains estiment que la chloroquine devrait être utilisée à haute dose (c’est la proposition du Professeur Didier Raoult). Et pour lutter contre la catastrophe économique qui se profile, certains voudraient de la même manière recourir à des coronabonds.

Alors, qu’est-ce que c’est ? Un traitement miracle ?

Pour vous répondre, je dois faire un petit retour en arrière. On en a parlé à plusieurs reprises, pour enrayer la crise et faire face à la terrible récession qui s’installe, les Etats et les banques centrales ont décidé de déverser sur les différentes économies des milliers de milliards de dollars et d’euros. Cet argent, il faut l’emprunter sur les marchés. Le danger, c’est que les pays faibles, parce qu’ils représentent pour le prêteur un risque élevé, vont devoir payer des taux d’intérêt plus élevés. L’Italie, aujourd’hui, est dans ce cas. Elle est anéantie par la violence de la crise, et quand un pays commence à décrocher, alors les marchés financiers peuvent être tentés d’accentuer leur pression. C’est comme une surinfection, et c’est très dangereux. Ça peut même conduire un pays à la faillite (on l’a vu plusieurs fois dans l’histoire économique). 

Et les coronabonds pourraient arrêter ce processus ?

Absolument. Un coronabond, c’est un emprunt, c’est de l’argent qu’on lèverait pour lutter contre la maladie et ses effets. Mais au lieu de l’emprunter à l’échelle d’un pays, on le ferait au nom de toute l’Europe (ou de la zone euro). Au fond, on dirait aux marchés : "ne vous inquiétez pas, aux côtés de l’Italie, l’emprunt sera lancé par l’Allemagne, par tous les pays d’Europe du Nord, réputés très sérieux et en bon état économique et budgétaire, par la France aussi, moins sérieuse, plus endettée, mais solide tout de même". On dit aux marchés : "vous n’avez aucun risque de défaut de paiement, nous sommes tous là pour garantir votre remboursement ». 

Bon, ça a l’air tout simple. Alors pourquoi est-ce qu’il y aurait une controverse pour ces coronabond, comme il y en a une pour la chloroquine ? 

Parce que les pays en bonne santé n’ont jamais voulu, jusqu’ici, payer pour l’indiscipline des autres. La France, à plusieurs reprises sous François Hollande, avait poussé cette idée pour lutter contre les dommages collatéraux de la crise grecque. Mais l’Allemagne et l’Europe du Nord ont toujours refusé, sur le thème : que les pays faibles fassent d’abord le ménage chez eux. 

Et pourquoi est-ce que ça marcherait cette fois-ci ?

Parce que l’Italie ne peut pas être tenue pour entièrement responsable de son état sanitaire. Et puis parce que si elle bascule, c’est toute l’Europe qui trinque. Tout ça va se discuter dans les heures qui viennent, et demain entre chefs d’Etat. Si les coronabonds voient le jour, alors on pourra dire que malgré tout, ce virus aura suscité un grand pas en avant dans la solidarité européenne.