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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il s'intéresse aux écologistes qui sont les premières victimes de la hausse des prix de l’énergie et de la baisse du pouvoir d’achat.

Chèque-carburant ou baisse des taxes, le gouvernement cherche toujours la bonne formule pour atténuer le choc de prix sur les carburants.

Et il y a urgence. Comme le relevait la presse régionale en début de semaine, des Gilets jaunes sont réapparus sur des ronds-points, dans plusieurs régions. Oh, pas en grand nombre, mais on pouvait les voir, et ce serait étonnant qu’il n’y en ait pas plus le week-end prochain. Il faut donc qu’une annonce soit faite très vite, et qu’elle soit tout aussi rapidement mise en œuvre. À six mois de la présidentielle, on voit bien que le gouvernement surveille comme le lait sur le feu tout ce qui peut apparaître désagréable pour les ménages et rogner leur pouvoir d’achat : le contrôle technique des motos a été reporté, l’obligation de chausser des pneus neige dans certains départements a été levée, et hier encore, la baisse programmée du bonus accordé en cas d’achat d’une voiture électrique a été ajournée. Or ces sujets ne concernaient que des fractions de la population. Alors, lorsqu’on parle prix des carburants, sujet qui concerne presque tous les Français, le danger change d’échelle.

Ce que vous décrivez ressemble à un piège.

Et c’en est un. Chaque recul, chaque petit arrangement pour reporter après la présidentielle la moindre petite mesure potentiellement impopulaire nourrit l’exigence maximum (et immédiate) sur le prix des carburants. Or, et c’est un autre piège, tout ce qui a été tenté jusqu’à présent par le gouvernement a été jugé insuffisant ; chèque-énergie, une fois, deux fois, bouclier tarifaire pour le gaz, pour l’électricité, et malgré ça, un marché déréglé et des prix qui continuent à s’envoler. La seule bonne solution serait de faire de la pédagogie et de profiter de cette période un peu folle sur le plan énergétique pour commencer à habituer les Français à cette chose inéluctable à l’avenir qu’est l’augmentation des prix de l’énergie carbonée.

Vous dites la même chose que Sandrine Rousseau.

En apparence, oui. La seule différence, c’est le timing. Tous les économistes expliquent que la transformation de nos modes de vie passe par un renchérissement progressif des coûts du pétrole et du gaz, à la fois parce que les ressources naturelles sont limitées, et parce qu’il faut inciter progressivement les ménages à basculer dans cette économie, quitte bien sûr à les y aider, pour les moins riches d’entre eux. L’ancienne candidate à la primaire des Verts  dit quelque chose de différent. Elle assène qu’il « faut augmenter le prix de l’essence ». Tout est dans le "il faut", expression typique de l’écologie punitive. Ce "il faut" donne une impression d’immédiateté ; et puis, « il faut augmenter », ça veut dire qu’une hausse doit encore s’ajouter à toutes les hausses de prix dues au marché. D’ailleurs, l’équipe de Yannick Jadot ne s’y est pas trompée, elle était furieuse. Le candidat écolo à la présidentielle a préféré insister sur sa promesse de donner un chèque-énergie de 400 euros à près de cinq millions de foyers. En réalité, cette flambée des prix de l’essence, c’est un piège aussi pour les écolos. On le sait maintenant avec certitude, cette transition énergétique ne peut pas se faire à coût zéro. Elle fait donc faire peser un risque particulier sur les ménages modestes, qui forment une partie de l’électorat des Verts. Sauf que la solution proposée par Yannick Jadot, ce chèque énergie, c’est une hérésie : elle revient à subventionner la consommation d’énergies fossiles. Pour ce parti politique, la hausse des prix de l’énergie crée une situation impossible, une sorte d’équation diabolique : comment respecter son engagement sur le climat sans désespérer et même plonger dans la difficulté une partie de ses électeurs. Pour l’instant, il n’y a pas de bonne solution.