Gilets jaunes, grève de la RATP et des avocats : l’ambiance et la capacité de réforme sont en train de changer

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Alors que le climat social se révèle très tendu en cette rentrée avec la reprise du mouvement des Gilets jaunes et les grève de la RATP, des avocats et des professions libérales, Nicolas Beytout décrypte les difficultés de la France à réformer.

À chaque jour sa manifestation ou presque. Ce lundi, ce sont les professions libérales qui feront grève et, pour certaines, qui défileront pour défendre leur régime de retraite.

Ce sera le cas en particulier des avocats puisque 90% des barreaux feront grève contre le doublement de leurs cotisations retraite, et contre le siphonage par le régime général de leurs deux milliards d’euros de réserves excédentaires. Une profession très remontée, donc, comme beaucoup d’infirmières et de médecins libéraux, de kinés, de pilotes aussi.

Ont-ils des chances d’être entendus ?

Ça prendra sûrement du temps. Car évidemment, même si cette journée d’action commune est historique, la puissance de frappe de toutes ces professions sera toujours inférieure à celle des grévistes de la RATP. Avoir paralysé le trafic de la capitale, vendredi, était, il est vrai, un sacré un coup de semonce, un redoutable avertissement.
Et de fait, on peut se demander si le contexte politique français n’a pas changé depuis trois jours. Le retour des violences urbaines, samedi à Nantes, vient en effet alimenter la crainte d’une résurgence de la crise des Gilets jaunes. C’est une mauvaise nouvelle pour la majorité, et cela augure mal de ce qui peut se passer samedi prochain, où les Gilets jaunes se sont donné rendez-vous à Paris.
Prudence, prudence, donc, se dit-on du côté du gouvernement.

Mais ça fait un moment que l’on entend le président de la République promettre de consulter et d’écouter les Français, en somme d’être prudent.

C’est vrai. Et Édouard Philippe avait déjà annoncé un calendrier super allongé pour la mise en place de la réforme des retraites. C’est vrai aussi que chacun souligne abondamment que personne ne voyait venir le mouvement des Gilets jaunes, il y a un an. Et tout le monde dit redouter ce qu’on appelle l’agrégation des mécontentements : Gilets jaunes, plus grève des urgences, plus contestation sur les retraites, c’est le cocktail explosif qui est dans toutes les têtes. Sauf que jusqu’ici, cette fameuse agrégation n’avait jamais eu lieu.

C’est ça qui est en train de changer ? 

Oui, enfin, pas tout à fait. En réalité, c’est moins le risque d’agrégation que l’on voit monter que celui d’une juxtaposition des mécontentements. Rien ne relie les combats des conducteurs de métro avec les revendications des notaires ou des avocats. Mais une manif par jour et des heurts le week-end, ça change évidemment la situation politique.
Et aucun gouvernement ne peut y être insensible.
C’est pourquoi l’Acte II du quinquennat devrait avoir un profil radicalement différent du premier. Aux réformes économiques et sociales menées tambour battant après l’élection d’Emmanuel Macron, vont succéder les sujets de société.
Le projet de loi de finances qui sera présenté dans 15 jours sanctuarisera les coups de pouce au pouvoir d’achat lâchés à la suite des événements violents, en décembre et janvier derniers. On finit donc de panser les plaies. Et pour la suite, on parlera écologie et climat, mais sans mesures fiscales punitives, on parlera bio-éthique et PMA pour toutes mais en essayant de ne pas dresser deux France l’une contre l’autre. On parlera immigration aussi, sujet qu’Emmanuel Macron veut imposer à sa majorité en étant convaincu qu’il est dans la tête de beaucoup de Français. À commencer par celle des Gilets jaunes. Un moyen, là encore, de les apaiser.