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Le Conseil des ministres doit entériner ce jeudi la nomination au poste de Haut-Commissaire au Plan le maire de Pau et président du MoDem François Bayrou. Une idée qui est loin de réjouir l'éditorialiste Nicolas Beytout pour qui ce poste est un gadget soviétique qui n'a plus de sens aujourd'hui. 

Dans quelques heures, le Conseil des ministres va nommer François Bayrou Haut-Commissaire au Plan.

C’est ça : pas Commissaire au Plan, non, Haut-Commissaire. Parce que tout ce que touche François Bayrou doit être haut. C’est pour cela qu’il a commenté sa nomination dès hier soir, sur France 2, sans s’abaisser à attendre son officialisation par le Conseil des ministres. Quand on trouve enfin un rôle à sa mesure et qu’on est carrément chargé de donner une vision à la France, inutile de faire attendre les Français.

Bon, ça ne vous enthousiasme pas, cette nomination. C’est l’idée même du Plan qui vous chiffonne ?

Ce n’est pas une idée, c’est un caprice. La France a déjà une batterie d’innombrables machins chargés de prévoir, d’anticiper, d’aider à décider, bref de planifier. Je cite : France Stratégie, Conseil d’Analyse Économique, Secrétariat général pour l’investissement (qui met en œuvre le Programme d’Investissements d’Avenir), sans oublier France Investissements, et, dernier bijou créé en Juin par Emmanuel Macron lui-même, une Commission de 26 économistes sur les grands défis de demain, sous la houlette de notre Prix Nobel d’économie, Jean Tirolle. Bon, tout ce foisonnement de matière grise est censé se fondre dans le nouveau Haut-commissariat, bonne chance.

Mais tout de même, l’idée de planifier n’est pas forcément inutile. Regardez l’affaire des masques et des stocks stratégiques qui ont été détruits.

Mais qui peut croire un instant que le François Bayrou de l’époque aurait pu avoir une vision là-dessus ? Tout ce que les ministères comptent de cerveaux pensaient que les stocks n’étaient plus utiles, ou plus récupérables. Et lui, tout seul, aurait pu imposer une vision inverse ? Alors oui, cet exemple pose la question de savoir ce que sera le pouvoir du nouveau Plan. Est-ce qu’il pourra décider, est-ce qu’il sera directif ? Si oui, alors, bienvenue en URSS.

Et si son rôle est simplement d’orienter ? 

Je vais vous livrer un témoignage : j’ai moi-même participé aux travaux du XIe Plan, dans les années 90, sous la direction d’un immense industriel (qui est mort cet été), Jean Gandois. Un visionnaire, lui aussi. J’ai relu récemment "notre" rapport : tout était bien vu, et tout reste d’actualité, parce que ce genre de rapport d’orientation ne peut contenir que des grands principes et des idées générales. 

Et donc, pour le concret ? 

On a tout ce qu’il faut. Regardez le plan batteries que viennent de décider la France et l’Allemagne. Est-ce que le sujet aurait pu être planifié il y a 10 ans ? Non, le besoin n’existait absolument pas. Quant à ce sera la réalité de l’économie de demain, n’oublions jamais que les entreprises aujourd’hui les plus puissantes au monde, celles qui ont un rôle stratégique dans l’économie mondiale, les Amazon, Google, Apple, Huawei ou Alibaba, n’existaient quasiment pas il y a dix ans. Et qu’elles ne sont jamais nées de l’imagination de quelque Haut-Commissaire que ce soit.