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Si le gouvernement souhaite, avec le déconfinement, relancé la vie économique et sociale du pays, il se butte parfois à des élus ou des chefs d'entreprises récalcitrants. En cause, une question de responsabilité que l'accord sur l'application de l'état d'urgence sanitaire devrait régler. 

Un accord sur l'application de l'état d'urgence sanitaire a été trouvé ce week-end, quelques heures seulement avant le début du déconfinement. 

Oui, et s’il y avait urgence, c’est parce qu’il fallait absolument régler la question de la responsabilité de tous ceux, maires, directeurs d’école, chefs d’entreprise, qui risquent d’être traînés devant la justice par ceux, employés municipaux, profs et parents d’élèves, salariés, qui estimeraient que leur retour à une vie plus ou moins normale met leur santé en danger. L’alerte avait été donnée par les maires et leur association, l’AMF présidée par François Baroin, et par le Medef qui demandait lui aussi des clarifications.

Clarifier la situation, ça veut dire quoi : les exonérer de leurs responsabilités ?

C’est toute la difficulté. Ce virus se transmet tellement sournoisement. Imposer une obligation de protection absolue est impossible. Dans ces conditions, laisser les maires ou les patrons sans bouclier juridique, c’est prendre le risque que, pour se protéger, ils préfèrent rester en mode confinement : pas d’ouverture de classes, d’ateliers, de bureaux, pas de relance. A l’inverse, les exonérer totalement, outre que ça peut les inciter à aller trop vite ou à négliger les précautions élémentaires, c’est surtout donner le sentiment que les décideurs sont protégés. 

Un peu comme si on les faisait bénéficier d’une sorte d’amnistie préventive. 

Exactement. Et ça n’a d’ailleurs pas raté. Dès que les parlementaires se sont emparés du sujet, les réseaux sociaux se sont déchaînés : auto-amnistie, les puissants se protègent, tous responsables-jamais coupables. D’autant que le lien a été vite fait avec les dizaines de plaintes au pénal (ou devant la Cour de Justice de la République) contre Emmanuel Macron, Edouard Philippe et plusieurs ministres pour mise en danger de la vie d’autrui, non-assistance à personne en danger, et j’en passe.

La plupart du temps, ces plaintes sont le fait d’opposants politiques radicaux. En somme, si cette protection se justifiait sur le plan juridique, elle était impossible à assumer politiquement. Bon, après des heures de débats, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les parlementaires et le gouvernement ont fini par valider un texte assez équilibré. 

Un texte qui distinguent les décideurs et les exécutants. Les décideurs sont en haut de la pyramide du pouvoir, ceux par exemple qui ont pris la décision de déconfiner le pays. Ils resteront responsables. Les exécutants, eux, c’est l’échelon des maires ou des patrons. Ils ne seront responsables qu’en fonction de leur compétence et de leur pouvoir. 

Une question : pourquoi est-ce qu’on n’a pas retenu l’idée que beaucoup de décisions ont été prises alors qu’on ne connaissait pas tout de la maladie ?

C’est vrai que c’était la logique même. Mais voilà, ça aurait pu être utilisé par tel ou tel ministre pour dégager sa responsabilité passée (par exemple sur l’affaire des masques). Et dans ce monde en confinement, où les rumeurs et le complotisme s’épanouissent, chaque fois qu’un puissant fait mine de s’exonérer, c’est sûrement qu’il doit être coupable. Dégâts assurés.