EDITO - "La croissance française a été alimentée par un carburant que ni l'Etat ni les contribuables n'ont payé"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous avez aimé le chiffre de croissance de la France au deuxième trimestre.

Oui, un chiffre dévoilé en milieu de semaine par l’Insee est qui est, au premier coup d’œil, une bonne nouvelle: alors qu’on craignait coup d’arrêt  de l’économie française, à cause de la crise des Gilets jaunes, alors qu’on pensait que, après 2018, l’année 2019 en subirait les conséquences, eh bien non, la croissance française sera un peu meilleure que prévu : 0,4% au lieu de 0,3% au premier trimestre, et au total, un millésime qui pourrait s’approcher de 1,5%.
Bon : 0,4 au lieu de 0,3%, ça change vraiment beaucoup ?

Disons que c’est une tendance, et surtout que c’est mieux qu’on ne pouvait le prévoir. Et cette bonne nouvelle signifie qu’on devrait être un peu protégé des conséquences sociales du ralentissement mondial de l’économie. On le sait bien, la création d’emploi dépend largement du rythme de croissance de l’économie. Un pays dont l’économie stagne, ou pire encore régresse, est un pays qui détruit de l’emploi. Alors attention, je dis bien que "on devrait être un peu protégés". Rien de miraculeux. Notre taux de chômage est élevé, et il va le rester. 
Et que font nos voisins européens : plus ou moins de croissance que nous?

Et bien, c’est l’autre bonne nouvelle venue de l’Insee: la France, pour une fois, est en tête du peloton européen. Et l’Allemagne, ce pays à l’économie si prospère, ralentit cette année beaucoup plus que nous. Déjà, en 2018 nous avions fait jeu égal. Cette fois, les champions allemands seront derrière nous : 0,8%, presque moitié moins que nous.

Cocoricco !

Bien sûr... sauf que la vérité m’oblige à dire que ma première idée était de mettre ces statistiques de l’Insee dans la rubrique "j’aime pas". Parce que si nos performances sont et seront correctes, c’est pour de mauvaises raisons, ou plus exactement sur de mauvaises bases. 

Vous vous souvenez que, pour répondre à la crise des GJ, Emmanuel Macron a débloqué en décembre dernier 11 milliards d’euros de pouvoir d’achat. Des primes, des reports ou des annulations de taxes :11minutes de discours, 11 milliards. C’est cet argent qui s’est retrouvé dans l’économie. Il a été dépensé par les "gilets jaunes", aussi vite reçu aussi vite dépensé. C’était le but, d’ailleurs, et de ce point de vue, c’était bien joué, bien ciblé. Mais, à votre avis, d’où vient cet argent ?
L’État n’a pas cet argent. Donc des impôts ou de la dette?

Absolument, il n’y a que deux solutions. Les impôts, on a compris qu’ils ne devraient plus augmenter, et même l’inverse. Donc, et à moins (hypothèse très improbable) qu’il y ait une baisse équivalente d’autres dépenses de l’Etat, ce sera de la dette supplémentaire. On a distribué de l’argent que nous n’avons pas. La croissance française a été alimentée par un carburant que ni l’Etat ni les contribuables n’ont payé. Et qu’il faudra rendre, un jour.

On comparait la France à l’Allemagne, il y a un instant. Ce qui frappe, c’est la différence entre les choix français et allemand. Nous avons choisi le court terme (éteindre une crise, tout de suite) ; eux ont une politique de long terme ; ils assument le ralentissement de leur économie sans verser des milliards d’argent public pour la relancer. Cigale, fourmi, ça ne vous rappelle rien ?