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L’Opinion publie ce vendredi une enquête sur l’arrivée massive devant les tribunaux de plaintes contre la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement. Certains envisagent déjà d’aller jusqu’au Comité des Droits de l’homme des Nations Unies.

Oui, des plaintes dans tous les sens : au pénal, au civil, devant des tribunaux administratifs, ou directement au Conseil d’Etat. Et puis, plus grave, il y a à ce jour 19 plaintes déposées devant la Cour de Justice de la République, cette juridiction d’exception chargée de juger les membres du gouvernement ou des parlementaires pour des fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions. Certains envisagent déjà d’aller jusqu’au Comité des Droits de l’homme des Nations Unies. Rien que ça …

Et ces plaintes visent qui ?

Les principaux ministres impliqués dans la gestion de la crise… Pêle-mêle, il leur est reproché le manque d’anticipation, les erreurs de gestion par exemple des stocks de masques, et tout cela débouchant sur des mises en accusation très graves : homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui, non-assistance à personne en danger. L’imagination est sans limite. Et elle est alimentée par des précédents historiques comme la vache folle, et surtout le scandale du sang contaminé…
Et qui trouve-t-on derrière ces plaintes, qui en sont les auteurs ?

On peut mettre de côté ceux qui sont tombés malades et qui expriment une sorte de colère, qui veulent absolument trouver un coupable. Ils sont peu nombreux et en général, ils agissent seuls. Mais l’essentiel est ailleurs : il suffit de regarder le profil le plus courant de ceux qui déposent des recours, et d’observer le curriculum vitae des avocats qui les conseillent. On y trouve bon nombre de militants connus pour leur activisme politique, ou d’autres qui se sont déjà illustrés en défendant des causes « border line »…

Et quelles sont les chances d’aboutir ?

De l’avis de nombreux juristes, elles sont très faibles. D’ailleurs, la Cour de Justice de la République filtre tout ça pour s’assurer que la finalité des plaintes n’est pas politique (au sens politicien). Alors, et alors seulement, une enquête sera lancée qui vérifiera tout, y compris l’état des connaissances scientifiques au moment de la prise de telle ou telle décision. Autant dire qu’il y en a pour des années. Alors, évidemment, on peut estimer que tout cela n’est pas grave, que le temps en effacera les traces, et que le turn-over électoral aura fait son œuvre. Sauf que, non, je trouve que c’est grave. Bien sûr, ce n’est pas la première fois que l’action politique est mise en cause judiciairement pour mauvaise gestion d’une crise sanitaire. Mais jamais il n’y a eu un tel déferlement de plaintes, et jamais aussi vite (l’épidémie n’en est même pas à son pic). Cette façon de faire pression sur un gouvernement, de jouer la mise en cause pénale plutôt que la responsabilité politique, c’est une dérive de la démocratie. Et surtout, c’est une façon d’enfermer les hommes et les femmes politiques dans un arsenal de menaces qui les conduira inévitablement à se surprotéger, à ne plus rien décider qui soit risqué, jusqu’à la paralysie de l’action publique. L’inverse de ce qu’il faudrait rechercher.