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Souhaité par Emmanuel Macron, un débat sur l'immigration a bien eu lieu à l'Assemblée nationale ce lundi. Le sujet n'a cependant pas électrisé les parlementaires.

Comme promis par Emmanuel Macron, un débat sur l’immigration a bien eu lieu ce lundi à l’Assemblée Nationale. Mission accomplie ?

Vous connaissez ce célèbre trait du grand dessinateur Caran d’Ache, au moment de l’Affaire Dreyfus, il y a 120 ans. On y voyait une famille se déchirer lors d’un repas du dimanche sous le titre "Ils en ont parlé". Cette fois, le même aurait pu dessiner un hémicycle aux deux tiers vide, peuplé de députés amorphes, presque endormis, avec comme légende "Ils en ont parlé mais ils n’ont rien dit". On a pourtant eu les discours du Premier ministre, puis de trois ministres, avant les interventions de 27 députés de tous les bords. On aurait pu penser qu’au lendemain de la tuerie de la Préfecture de police de Paris, le sujet se serait électrisé. Mais non, tout s’enchaînait presque mécaniquement, tout semblait verrouillé.

Autrement dit, ce n’était pas un débat ?

Ce débat parlementaire n’en était pas un. Il faudrait d’ailleurs inventer une nouvelle appellation pour cette phase de la vie parlementaire, pour cette longue succession de discours sans relief, quelque chose comme "litanie parlementaire".
En écoutant attentivement les propos de tribune, on pouvait entendre, par exemple, Édouard Philippe qui admettait l’existence de "dérives communautaires" dans notre pays ou qui dénonçait la "sécession insidieuse" de quelques-uns, une manière de décrire ceux qui sont entrés en rébellion contre l’État lui-même. On a même appris que la France était le seul pays d’Europe où le nombre de demandeurs d’asile avait augmenté, l’an dernier, alors qu’il avait baissé partout ailleurs. La faute à une France "trop attractive".

C’est ce qu’avait dit Emmanuel Macron au micro d’Europe 1, il y a 15 jours.

En effet. Au fond, il est peut-être là, le principal apport de ce vrai-faux débat parlementaire. Installer dans la parole publique des vérités qui jusque-là n’étaient pas forcément bonnes à dire. Un des mots les plus utilisés a été le mot "naïf", avec ses deux versions : "Ne soyons pas naïfs", disait la majorité, façon de justifier l’existence de ce débat controversé au sein même d’En Marche !. "Nous sommes trop naïfs", répondait l’opposition de droite et plus encore Marine Le Pen, qui en a profité pour demander un moratoire sur l’immigration.

Peut-il en sortir quelque chose de concret ?

Quand on promet, comme l’a fait Gilles Le Gendre (le patron des députés En Marche !), de "tout repenser avec lucidité, audace et courage" et quand on se réfugie derrière tant de banalités, c’est qu’il ne va rien se passer. Non, il y aura quelques adaptations, à la marge, par exemple sur l’AME, mais de grand changement, point. La voilà, la légende du dessin revisité de Caran d’Ache "Grand débat, petit faiseux".