Croissance : "Nous n’avons plus aucune chance d’atteindre l’objectif que s’était fixé le gouvernement pour 2018"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous n’avez pas aimé le chiffre de la croissance française au 3ème trimestre de cette année. Il vient d’être publié par l’Insee.

Effectivement : la France n’a réalisé qu’un petit 0,4% de croissance, plus faible qu’attendu. Mais avant d’entrer dans le détail des explications, laissez-moi avouer ma perplexité. Traditionnellement, pour cette chronique du weekend, je traite le samedi une info que j’ai aimée, et le dimanche un sujet que je n’ai pas aimé. Et avec ce petit 0,4% de croissance, j’hésite un peu.
Bon, allons-y avec méthode ! Ce que vous n’avez pas aimé, c’est ?

C’est que ce 0,4% est inférieur à ce qui était attendu, espéré même. C’est en effet un faible rattrapage après un mauvais deuxième trimestre où la France a perdu des forces économiques, de la croissance, à cause des grèves de la SNCF. Au total, ça signifie que nous n’avons plus aucune chance d’atteindre l’objectif que s’était fixé le gouvernement pour l’ensemble de l’année. Avec 1,6%, peut-être même seulement 1,5%, nous serons sensiblement en-dessous des performances de 2017, lorsque nous avions atteint le très bon chiffre de 2,2%, meilleur score depuis 10 ans. Alors, on a une petite consolation, tout de même : c’est que nous ferons mieux que nos voisins.

Et c’est ce point-là que vous aimez ?

Oui, et qui me fait hésiter. En moyenne, les pays de la zone euro n’affichent qu’un tout petit 0,2% de croissance. L’Italie est à l’arrêt, l’Allemagne elle-même souffre énormément : elle n’aurait peut-être même pas 0,1% de croissance. Stagnation, donc, avec des contre-performances réelles dans l’automobile, l’un des fers de lance de la puissance industrielle allemande : moins 18% en juillet et en août. Quant à la Grande-Bretagne, en dehors de la zone euro, c’est le grand gel de l’activité avec l’inconnue du Brexit.

Donc, on fait mieux que nos voisins. Mais si tout ralentit autour de nous, est-ce vraiment une bonne nouvelle ?

Vu sous cet angle, non, et donc, j’aime-j’aime pas, j’hésite toujours. Ce qui est sûr, c’est que tout cela nous réserve une année 2019 un peu compliquée. Si on ne regarde que notre situation (sans se préoccuper de ce qui se produit chez nos voisins ou dans le reste du monde), on sait d’ores et déjà que si nous n’atteignons pas notre objectif de croissance cette année, ça pèsera sur l’année prochaine. Les économistes appellent ça d’un mot savant : ils parlent de "l’acquis de croissance". En fait, c’est assez simple : il faut s’imaginer que la croissance d’un pays, c’est un mouvement.

C’est un peu une marche en avant, qui accélère ou ralentit. Quand vous marchez et que vous abordez un nouveau kilomètre avec une bonne cadence, vous avez un élan qui vous aide à franchir la distance. C’est l’acquis de croissance. Si votre vitesse à l’entrée du kilomètre (si votre croissance à l’entrée de l’année) est faible ou nulle, votre moyenne (votre croissance) s’en ressentira. Et ce sera le cas en France.
Dans le reste du monde aussi ?

Pas beaucoup de bonnes perspectives : la Chine ralentit à un rythme parmi les plus faibles depuis 20 ans, les Etats-Unis ferment leurs frontières et l’Allemagne souffre de ne pas pouvoir exporter comme avant. Au fond, je crois que ce 0,4% de croissance de la France, je n’aime pas. En tout cas, notre conversation montre une chose : c’est qu’en économie, il ne faut jamais s’arrêter aux chiffres secs. Il faut toujours essayer de les mettre en perspectives.