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Dans son édito mercredi, Nicolas Beytout s'intéresse à l'étonnante analogie des courbes entre la crise sanitaire et la crise économique engendrées par le coronavirus, alors que les experts s'accordent désormais à dire que le monde s'apprête à connaitre sa pire récession depuis un siècle. 

Tous les économistes sont désormais d’accord : le monde est plongé dans la pire récession depuis les années trente.

Et encore, c’est en supposant qu’il n’y aura pas de deuxième vague et que le confinement sera totalement levé au second semestre de cette année. Les chiffres donnent le vertige : jusqu’à - 6% de chute pour la planète, et une dégringolade de - 8% pour la France estime Bercy. C’est sûr, on va tous mettre beaucoup de temps à s’en relever.

Le déconfinement, à partir du 11 mai, c’est quand même le début du redressement, non ?

Je dirais plutôt que c’est le début de la fin de la dégradation. Et c’est ensuite qu’on pourra commencer à reconstruire. Et il ne faut pas trop tarder, car chaque jour qui passe accroit le risque d’embolie pour notre économie.

C’est d’ailleurs absolument fascinant de voir à quel point les deux crises monstrueuses qui nous frappent (la crise sanitaire et la crise économique) évoluent de la même manière.Vous avez déjà parlé, Matthieu, de ce phénomène très étrange que les chercheurs ont découvert dans le mécanisme de destruction du corps humain provoqué par le coronavirus. Les médecins appellent ça "l’orage immunitaire".

Oui, c’est cette réaction du corps humain, au bout de sept à dix jours, qui provoque une brutale aggravation de la maladie.

Absolument. Le malade, lorsqu’il est agressé par le virus, sécrète une substance, une défense qui active elle-même l’inflammation (les spécialistes, dont je ne suis pas, appellent cela la cytokine). Mais ce combat contre le virus, dans certains cas, dégénère, l’inflammation s’emballe, échappe à tout contrôle et finit par tuer le malade. Pour dire les choses simplement, c’est la réaction du corps humain, mal dosée, qui va provoquer le décès.

Et bien, c’est le même processus en économie : la réaction du tissu économique, qui s’arrête totalement de produire, risque, si elle est mal dosée, de tuer l’économie. Et vraiment, quand on s’approche des 10% de récession, il faut se demander si le remède n’est pas pire que le mal ? 

Sauf qu’un pays ne meurt pas, c’est (heureusement) la limite de cette analogie.

Exact. Mais il peut rester comme grabataire, écrasé de dettes, sans ressort, incapable d’investir, de gérer son propre avenir. C’est tout le débat sur la balance coût/avantage du confinement, et sur la reprise rapide du travail dans les entreprises. Ce débat est vif, en Allemagne par exemple, où beaucoup d’entreprises ont continué à produire. Ce pays va d’ailleurs redémarrer quinze jours avant la France. Enorme avantage pour eux.

Mais chez nous, le débat a tout de suite tourné au pugilat sur l’augmentation du temps de travail. A peine évoqué par le patron du Medef, il a provoqué, tenez, là-aussi, une réaction inflammatoire totalement démesurée. Geoffroy Roux de Bézieux en a pris acte. Le sujet n’est plus sur la table. Mais il reviendra, d’une façon ou d’une autre. Parce que c’est le seul médicament connu à ce jour pour tirer d’affaires un pays malade de sa récession.