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Emmanuel Macron secoue les vieilles habitudes et appelle à un rapprochement avec la Russie lors de la Conférence des ambassadeurs.

Chaque année, à la rentrée, tout ce qui compte dans le monde de la diplomatie française se réunit à Paris pour une grand-messe que l’on appelle la Conférence des Ambassadeurs.

À cette occasion, il est de tradition qu’ils se rendent tous à l’Élysée pour entendre le chef de l’État fixer pour l’année les grandes lignes de sa politique étrangère. Cette conférence vient de se tenir, pendant trois jours. À certains égards, elle a été décoiffante. Emmanuel Macron a en effet sérieusement secoué tout ce beau monde, avec des phrases qui sonnaient parfois comme des avertissements. Il faut "plus d’audace", a martelé le chef de l’État qui sortait tout juste de son G7 effectivement réussi. Et à l’adresse de tous ceux dans la salle qui auraient imaginé lui opposer leur compétence, leur connaissance intime du métier de diplomate, Emmanuel Macron a été clair : "Par définition, les experts ne sont experts que de ce qui existe déjà", manière de dire qu’ils sont incapables de se projeter dans le futur.

Cette grand-messe est-elle plus feutrée d’habitude ?

Oh que oui, même si les ambassadeurs savent qu’ils interviennent dans ce qu’on appelle le domaine réservé, c’est-à-dire sur une matière qui relève directement du président de la République. En réalité, ça faisait quelques jours que l’on voyait qu’une offensive de l’Élysée vis-à-vis du Quai d’Orsay était en préparation. À plusieurs reprises, Emmanuel Macron s’en était pris à "l’État profond".

L’État profond ? Qu’est-ce que c’est ?

C’est une expression qui est très utilisée dans le monde anglo-saxon : on parle de "Deep State" pour désigner les rouages de l’État. En général, pour critiquer leur résistance passive, leur incapacité à bouger et leur tendance même à bloquer le système. Quand il s’adresse à son électorat, Trump s’en sert très souvent pour secouer son administration et accuser Washington de tous les maux.
Cette fois, c’est la relation avec la Russie qui a été le sujet de ce clash plus ou moins feutré. Comme toute la classe politique française, le ministère des Affaires étrangères est traversé par une ligne de fracture entre ceux qui pensent que la Russie est infréquentable (et qu’il est normal de la tenir en dehors du G7), et ceux qui pensent que si on ne garde pas le contact avec Moscou, Poutine se tournera vers la Chine et l’Europe sera marginalisée. C’est cette position qu’Emmanuel Macron défend. Et manifestement, ça renâcle au Quai d’Orsay.

Il a donc tapé du poing sur la table ?

Voilà… Mais cette histoire d’État profond était déjà apparue au moment des Gilets jaunes. L’Élysée avait alors eu tendance à se défausser d’une partie de cette crise sur l’administration qui était supposée ne pas mettre assez vite en œuvre le changement. Ou n’en faire qu’à sa tête, par exemple au moment du prélèvement à la source.
À vrai dire, Emmanuel Macron ne devrait s’en prendre qu’à lui-même. Il s’était engagé, dans sa campagne, à renouveler la haute administration française, pour nommer des hauts-fonctionnaires en ligne avec son programme. Il ne l’a pas fait, faute de temps, faute de réserves d’hommes et de femmes au niveau. Et puis, l’administration s’est auto-défendue, dans un réflexe de corps très efficace, finalement.

Comment est-ce que les ambassadeurs ont réagi au discours d’Emmanuel Macron ?

Vous connaissez cette citation qu’on attribue parfois à Clémenceau : "Pour être diplomate, il ne suffit pas d’être bête, encore faut-il être poli". Les ambassadeurs ont applaudi, bien sûr.