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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, la France va devoir supprimer et rembourser une partie de la taxe Gafa qu'elle avait mis en place récemment après l'accord trouvé à l'échelle de l'OCDE.

C’est l’un des points d’accord qui est sorti du G7, une taxe sur les Gafa va être créée à l’échelle de l’OCDE, c’est-à-dire dans une petite quarantaine de pays.

Dans 36 pays, parmi lesquels tous ceux qui étaient représentés à Biarritz, plus les principaux pays riches ou développés de la planète. Évidemment, on ne trouve dans cette liste ni la Chine, ni la Russie. L’accord qui a été conclu hier contient deux volets. Premièrement, une taxe Gafa sera créée dans tous ces pays. Ensuite, la France supprimera alors sa propre taxe.

Emmanuel Macron a présenté ça comme une victoire. Est-ce le cas ?

Oui et non. Oui parce que la taxe française était un sujet de forte crispation avec le président Trump. Avoir obtenu son accord de principe sur une taxe, qui frappera en priorité des entreprises américaines (c’est-à-dire sur deux points durs dans l’idéologie de Trump), ça n’était pas une mince affaire.
Et puis plus largement, cette taxe Gafa était devenu un dossier politique, en France en particulier. Emmanuel Macron s’était engagé à corriger cette injustice, effectivement choquante, de voir des entreprises mondiales dominer leur marché sans jamais payer d’impôt ou presque. Ça, c’est fait, comme on dit.

Mais "oui et non", pourquoi ?

Parce que la taxe française sur les Gafa qui vient à peine d’être votée cet été va être supprimée.

C’est normal, elle va être remplacée par la taxe internationale !

Oui, sauf que la France promet de rembourser à ce moment-là les sommes qui auront été payées à tort. C’est formidable : on crée une taxe, on prévoit qu’elle rapportera aux alentours d’un demi-milliard d’euros par an et on prévoit déjà qu’il va falloir la rembourser en tout ou en partie. On dessine déjà l’usine à gaz qu’il va falloir mettre en place pour cela. C’est la quintessence de l’esprit français, nous qui sommes les champions de l’OCDE en matière fiscale. On est à ce jour les seuls au monde à avoir voté cette taxe nationale et on sera les seuls à l’annuler.

Ça a probablement créé un précédent ?

Sûrement, mais où était l’urgence de voter cette loi fiscale ? Pourquoi ne pas avoir attendu la dizaine d’autres pays, comme l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne ? Ils étaient prêts. Une taxe purement nationale sur une activité par définition mondiale, c’est paradoxal. Et puis, nous prévoyons déjà de reverser le trop-perçu. C’est-à-dire que nous savons déjà que nous avons tapé trop fort. À la française, quoi…
Enfin, nous allons avoir un problème qui s’appelle "bouclier fiscal", il signe son grand retour. Comment imaginer, comme ce fut le cas pour l’ISF, que l’envoi de chèques de remboursement à des entreprises comme Google, Facebook ou Amazon, ne va pas choquer ?
Voilà, le scénario est écrit. On va taxer, prélever, puis rembourser des millions d’impôts à des entreprises milliardaires. Émotion et problème politiques garantis.