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Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", réagit, ce vendredi, à la nomination par Emmanuel Macron, de Thierry Breton au poste de commissaire européen. Après l'échec de l'ancienne candidate, Sylvie Goulard, cet ancien ministre et PDG devra probablement essuyer des critiques non légitimes. 

À peine désigné par l’Élysée comme candidat au poste de commissaire européen, Thierry Breton a fait un pas de côté à la tête d’Atos, cette entreprise du Cac 40 qu’il dirige depuis dix ans. 

Oui, il a abandonné ses fonctions de direction effective pour n’être plus que Président non exécutif

Et pour consacrer son temps à préparer son audition par les députés européens.

Il a effectivement tout intérêt à être prêt. L’expérience récente et l’échec de Sylvie Goulard montrent bien que ce n’est pas un examen de pacotille. Et tout indique que Thierry Breton sera secoué par les députés européens qui vont l’auditionner. On aura bien sûr des attaques politiques. Elles viendront de la gauche qui cogne déjà sur cet ancien ministre de Jacques Chirac, soutien d’Alain Juppé puis d’Emmanuel Macron pendant la présidentielle de 2017. Classique. Mais cette fois, la droite européenne, qui avait fait échouer Sylvie Goulard, devrait soutenir la candidature de Thierry Breton. Emmanuel Macron avait demandé "qu’on lui explique" le fiasco de sa candidate. Je suis sûr que la leçon a été retenue, et que le terrain a été mieux préparé, avec la droite pour cet homme de droite.

Mais il y a aussi beaucoup d’attaques sur d’éventuels conflits d’intérêts.

Oui, et c’est le point le plus dangereux. L’Élysée explique que Thierry Breton a l’habitude et qu’il saura se dessaisir des dossiers sur lesquels il a travaillé en tant qu’industriel. Espérons. Parce que, si on regarde bien cet aspect du sujet, on comprend que pour être parfaitement à l’abri de tout soupçon de conflit d’intérêt, il faudrait ne rien connaître aux dossiers dont on sera chargé. En effet, quiconque a travaillé dans les industries numériques peut par définition être suspecté de conflit d’intérêts s’il doit ensuite traiter ce type de dossiers dans son action politique. Même chose dans la défense, les transports, la santé. Tous ces sujets devenus ultra-techniques sont confrontés à ce choix fondamental : est-ce qu’il vaut mieux les confier à une âme pure qui n’y connaît rien et aura un regard vaguement général ? Avantage : pas de conflit d’intérêt. Ou est-ce qu’il faut prendre le risque, en l’encadrant bien sûr, de les confier à un vieux briscard qui maîtrise le sujet et pourra ainsi vraiment agir ?

À la façon dont vous posez le dilemme, on voit que c’est cette option que vous préférez. 

Absolument. Cette option et son corollaire : organiser à ces postes des allers et retours d’hommes et de femmes qui ont accumulé une expérience dans la vraie vie, dans le business, qui ont travaillé dans les secteurs qu’ils devront gérer. Thierry Breton, s’il est confirmé, aura de vastes dossiers à traiter. Mais il aura, par-dessus tout, une lourde responsabilité : montrer que ce type de profil peut faire beaucoup pour réconcilier l’Europe avec l’efficacité.