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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, ce dimanche vous n’avez pas aimé ce qui s’est passé cette semaine à Bruxelles où la Commission européenne a menacé l’Italie de sanctions.

Exactement. Alors, pour l’instant, vous l’avez dit, il s’agit de menaces envers Rome qui est accusée de ne pas respecter du tout (mais alors pas du tout) les règles budgétaires européennes (vous savez, la fameuse réduction du déficit public). Bon, la Commission va transmettre son avis aux Etats membres qui auront deux semaines pour décider s’ils entament une procédure (ce qui est à peu près certain). Il se passera ensuite cinq mois avant une éventuelle sanction. Alors, vous me direz : pas de stress…

Il va se passer pas mal de temps avant une éventuelle sanction...

C’est vrai, mais je peux déjà vous dire qu’elle est inévitable, parce que l’Italie ne corrigera pas son budget, ne limitera pas ses dérapages, ne rentrera pas dans les clous.

Pourquoi ?

Parce que le gouvernement italien estime qu’il a la légitimité pour ne pas le faire. Qu’il a été élu sur un programme, en quelque sorte, de désobéissance aux règles de Bruxelles. Bon, c’est à moitié vrai, parce que comme vous le savez, cette majorité italienne est hétéroclite avec une droite dure, celle de Matteo Salvini, et un mouvement 5 étoiles populiste et plutôt à gauche. Mais les deux ont un repoussoir commun : Bruxelles. Et les deux disent : vos règles budgétaires, votre sacré 3%, tout ça, c’est un truc de technocrates. Le peuple a parlé. Il n’en veut plus.

Et qu’est-ce qui peut se passer ?

Rien. Je veux dire, rien qui permette à l’Europe d’imposer le respect des règles européennes. La procédure de sanction va durer au moins 6 mois, tout compris. Et si je compte bien, elle devrait déboucher pile au moment des prochaines élections européennes. Vous imaginez, dans une opinion publique qui sera (exactement comme en France) divisée en deux blocs pro et anti-Europe, avec une montée en puissance du populisme, du rejet de l’épouvantail Bruxelles, vous imaginez les dégâts qu’une sanction, si petite soit-elle, pourrait provoquer ? Je crois qu’il n’y aurait pas meilleur agent électoral pour les adversaires de l’Europe.
Alors, le manquement aux règles européennes va rester impuni ? Comment on en sort ?

Difficilement. Cette impunité, c’est comme un poison très toxique, dont l’antidote est lui aussi très dangereux. Ce contre-poison, c’est les marchés financiers. Ils s’inquiètent déjà des incartades italiennes. Le taux d’intérêt qu’il vont facturer à l’Italie va continuer à grimper (c’est normal : plus un risque est grand, plus le prêteur veut être rémunéré pour l’assumer). Et comme la grande faiblesse de l’Italie, c’est déjà son endettement (beaucoup plus élevé que le nôtre), la capacité de son économie à résister à une envolée des taux d’intérêts est quasi-nulle.

Donc elle devra céder ?

Je crois ou au moins corriger sa politique. Mais ça prendra du temps, ça mettra toute l'économie européenne en danger. Et surtout, ça donnera des arguments à tous ceux qui pensent que l’on vit sous la loi des marchés financiers (ce qui est effectivement le cas quand on est surendetté). Vous voyez l’engrenage, et vous comprenez pourquoi je n’aime pas.