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Emmanuel Macron soigne sa communication depuis quelques semaines, en accordant de longs entretiens à des médias peu habitués à pouvoir interroger en tête à tête le président. Adepte d'une parole présidentielle rare en début de quinquennat, le chef de l'Etat change de fusil d'épaule à un peu plus d'un an de l'élection présidentielle.

Pendant sa semaine de confinement pour cause de contamination au Covid-19, Emmanuel Macron n’est pas resté isolé. Il a communiqué via une vidéo postée sur Twitter. Le président, même malade, a tenu à parler aux Français. S’exprimer dans les médias, ne serait-ce pas devenu le péché mignon du président ?

On est loin de la parole présidentielle rare du début du quinquennat. "Fini la présidence bavarde de François Hollande" plastronnaient les macronistes. "Le pouvoir, c’est le monde du silence !". Aujourd’hui, le président Macron sature l’espace médiatique. Cette année il sera intervenu une bonne dizaine de fois. La situation est hors du commun, il est vrai : crise sanitaire, attentats terroristes, sans compter les hommages aux personnalités. Autant d’occasions incontournables pour Emmanuel Macron d’intervenir.

Mais à côté de ces figures imposées, il y a aussi des figures libres. Je veux parler des entretiens fleuves donnés par le président de la République au Point, il y a deux semaines, et à l’Express, cette semaine. Deux interviews qui en fait sont liées : elles veulent combler un manque.

Emmanuel Macron, dit-on autour de lui, n’a pas réussi à être ancré dans un terroir, une tradition politique. Alors dans l’Express, il disserte longuement sur les convulsion de l’âme française. Dans Le Point, il s'étend sur son rapport aux écrivains et aux mots.

Tenez, il fait même une confidence : son mot préféré est... saxifrage. Alors, pour vous éviter de vous précipiter sur le dictionnaire ou sur Wikipedia, je vous le dis tout de suite : un saxifrage, c’est une petite fleur qui parvient à pousser entre les rochers. Il fallait le trouver. On devine l'autoportrait du président lettré et intello. D’ailleurs le président le confirme : le panthéon, c’est le temple de la République. La langue française est ma patrie dit-il. Aucun doute : le président frappe à la porte du roman national.

Il s’agit donc de poser les fondations d’une future campagne présidentielle en s’inscrivant dans une histoire nationale. Et pour se rapprocher des Français, il contourne les médias traditionnels. Ça aussi c’est peu commun ?

Regardez ses dernières interviews. Au site d’information Brut : plus de deux heures. Pour les magazines d’information : des dizaines de pages. En fait, Emmanuel Macron ne contourne pas le questionnement des journalistes mais cherche à reprendre le contrôle sur le temps de parole. Parce que c’est devenu la marque de fabrique de son quinquennat : il subit les événements, il n’est pas maître des horloges. 

Il est loin le temps béni des sept ou huit heures de marathon devant les élus pendant le grand débat retransmis sur les chaînes d’infos. C’est curieux, pendant cette période, on n'entendait aucune critique venant de l’Élysée sur ces chaînes en continu. Il faut dire qu'une seule personne occupait l’écran : lui-même.

Après l’épisode du président qui a le Covid mais qui travaille quand même, il y aura les vœux du 31 décembre. En 2021, Emmanuel Macron va accompagner l’année François Mitterrand. Pour le président, se réinventer c’est plonger dans les archives de l’histoire.