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La gestion de l'épidémie de coronavirus semblait les avoir séparés, mais la France et l'Allemagne sont plus unis que jamais. Au lendemain de l'annonce d'un grand plan d'aide de 500 milliards d'euros, Emmanuel Macron et Angela Merkel se lance dans le sauvetage de l'Europe. 

A chaque jour son franco-allemand. Dimanche, c’était la commémoration de la bataille menée et perdue par De Gaulle en 1940 contre l’ennemi allemand. Et lundi, surprise : une conférence commune Macron-Merkel.

Oui, une vraie surprise, en effet, puisqu’on pensait qu’une forte tension s’était installée entre la France et l‘Allemagne depuis deux mois, autour de la gestion des suites de la crise du coronavirus.

L’Allemagne, par exemple, avait massivement débloqué des aides à ses entreprises (grâce à son insolente santé budgétaire), ce qui risquait de créer une distorsion très inquiétante pour l’avenir en faveur de son industrie. La France, de son côté, avait ressorti son rêve de mutualisation des dettes, en espérant que les pays bien portants (suivez mon regard) accepteraient de s’endetter pour les pays mal gérés. Une forme de socialisme de la dette, quoi. 

Ce que l’Allemagne avait toujours refusé, et qu’Angela Merkel a fini par accepter.

En fait, l’accord entre elle et Emmanuel Macron est un peu différent. Il porte, non pas sur des dettes passées, celles qui ont été accumulées par des pays laxistes (là encore, suivez mon regard), mais sur des dettes futures, celles qui seront constituées par l’Europe spécifiquement pour lutter contre les effets de cette crise dont personne n’est responsable, bon ou mauvais gestionnaire, celle du coronavirus.

Voilà, pour la première fois de son histoire, l’Europe franchit ce pas symbolique : lever de l’argent au nom de tous pour aider quelques-uns. C’est vraiment un moment très important, très symbolique.

Et cette tension entre les deux pays, elle a disparu ? 

En fait, Emmanuel Macron a souligné hier que c’est cette tension qui a permis de pousser le dialogue au-delà de l’ordinaire. Une "tension féconde" a-t-il confié en petit comité. Ce qui est sûr, c’est que le chef de l’Etat a réussi un joli coup.

D’abord, c’est lui qui est incontestablement à la manœuvre pour la relance du fameux moteur franco-allemand. Et on sait à quel point cette dimension européenne est importante dans son positionnement politique. En plus, (pourquoi se priver ?) il faisait remarquer hier que si Angela Merkel acceptait d’endosser ce projet d’endettement qu’elle avait toujours refusé jusque-là, et de le défendre auprès de son opinion politique réticente, c’est bien parce que la France avait retrouvé le chemin de la réforme, et de la compétitivité. Bref, une partie de sa crédibilité. 

Un argument à usage politique interne, je suppose.

Bien sûr. On est encore dans l’attente de ce que sera le projet politique d’Emmanuel Macron pour la sortie de crise. Mais on voit déjà ce que sera son projet européen, et il est assez largement applaudi. Et dans la construction de son positionnement pour "le jour d’après", comme on dit, passer par la case Europe est certainement une manœuvre politique d’une grande habileté.