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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il s'intéresse aux intentions de vote à quelques mois de l'élection présidentielle. Entre Marine Le Pen, Eric Zemmour et Xavier Bertrand, celui de la bande des trois qui arrivera à 16% des voix peut se retrouver qualifié pour le deuxième tour.

C’est le nouveau chiffre magique qui fait beaucoup parler dans les états-majors politiques : ce chiffre, c’est le 16.

16 comme 16% des voix. Pour comprendre les cogitations actuelles de beaucoup de sondeurs et d’observateurs de la chose électorale en France, il faut s’arrêter un instant sur l’état actuel de l’opinion publique à six mois de la présidentielle. Alors, bien sûr, c’est encore loin, les Français ne pensent pas qu’à ça (ils se préoccupent plutôt du pouvoir d’achat), et puis, nous sommes habitués aux surprises à chaque campagne. Il n’empêche, si le vote avait lieu après-demain, dimanche, on sait aujourd’hui avec une bonne dose de certitude qu’Emmanuel Macron serait qualifié pour le second tour.

Tous les sondages le placent entre 24 et 27-28%.

Et dans certains cas de figure peut-être même à 30%, c’est-à-dire à tout coup au même niveau ou au-dessus de son score de premier tour en 2017 (il avait fait 24%). C’est, pour le président sortant un bon score : il faut se souvenir que lorsqu’il s’est présenté pour un second mandat, Nicolas Sarkozy avait engrangé cinq points de moins que lors de sa première élection. Cette fois (et je le répète, c’est un état des lieux à ce jour), Emmanuel Macron ne court pas le risque d’être en recul. Parce que, après lui, tous les candidats sont loin, très loin derrière. Et en particulier Marine Le Pen.

C’est l’effet Zemmour, il mord sur l’électorat du Rassemblement national ?

Voilà, sans lui, Marine Le Pen est mesurée à 25%, mais avec lui elle dégringole aux alentours de 16%. Les sondages les plus récents pointent Eric Zemmour dans les 14-15%. Il n’est plus devant la patronne du Rassemblement national. Quant à Xavier Bertrand, c’est lui le mieux placé parmi les candidats de droite : il s’installe entre 12 et 15% dans la meilleure des configurations. Et voilà qu’apparaît notre chiffre magique, le fameux 16% : entre Marine Le Pen, Eric Zemmour et Xavier Bertrand, celui de la bande des 3 qui arrivera à 16% des voix peut se retrouver qualifié pour le deuxième tour. Et ce seuil de qualification, très bas, ça chamboule tous les scénarios écrits à l’avance en particulier par le camp d’Emmanuel Macron. Jusqu’à présent, la stratégie du chef de l’Etat a été de sécuriser son second tour en imaginant être face à Marine Le Pen. Mais celle qui avait été facilement battue en 2017 pouvait se révéler un peu plus coriace cette fois. Disons que ce n’était plus gagné d’avance ; la stratégie du réalisme adoptée par la patronne du RN commençait à la rendre un peu moins inacceptable aux yeux d’électeurs de droite, mais aussi de gauche, ceux qui n’auraient en aucun cas voulu d’un deuxième quinquennat Macron. C’est pourquoi, à la République en Marche, on s’est discrètement réjoui de la montée d’Eric Zemmour : plus il affaiblissait Le Pen, plus il favorisait Macron.

Sauf qu’Eric Zemmour concourt désormais pour la qualification au deuxième tour.

Dans quelques sondages, c’est vrai. Mais ce n’est pas ça qui entame les certitudes des stratèges du chef de l’Etat. Zemmour au second tour, pensent-ils, sera nettement battu. Non, le problème, le nouveau problème, c’est ce satané 16%. Si d’aventure le Congrès des Républicains se passait bien (on ne peut pas toujours imaginer le pire pour ce parti), si le candidat élu (Bertrand, Pécresse ou Barnier) réussit à créer une dynamique nouvelle, alors il pourrait certainement s’approcher des 16% de la qualification. Et là, c’est une autre histoire, parce que les rares sondages qui ont testé Xavier Bertrand au second tour l’ont donné gagnant. Dans cette hypothèse, qui n’est pas folle, Emmanuel Macron aurait beaucoup à s’inquiéter.

16, le chiffre magique. Ça n’est jamais arrivé à part en 2002 ?

Jacques Chirac avait à peine atteint 20% et derrière lui, Jean-Marie Le Pen et Lionel Jospin étaient dans un mouchoir, à 16%. Mais cette fois, ça avait été le grand accident, alors qu’aujourd’hui, dans un paysage politique éparpillé, ça devient la norme.