En 1979, le corps de Robert Boulin, ministre du Travail et de la Participation, était retrouvé en forêt de Rambouillet. Un reportage d'Envoyé spécial détricote la thèse du suicide longtemps évoquée.
Les preuves ne cessent de s’accumuler contre la thèse officielle. La mort de Robert Boulin, ministre du Travail et de la Participation, dont le corps a été retrouvé le 30 octobre 1979 dans un étang en forêt de Rambouillet, a fait couler beaucoup d'encre. Depuis 15 ans, le journaliste Benoît Collombat enquête avec minutie sur ce dossier. Il livre pour Envoyé Spécial un reportage remarquable de rigueur - Révélation sur un crime d’Etat -, diffusé jeudi 26 octobre sur France 2, avec des témoignages inédits et accablants.
Une étrange fracture. Et parmi les personnes interrogées pour la première fois devant une caméra : le médecin qui a assisté à la seconde autopsie du ministre. À l'époque il constate deux fractures sur le visage de Robert Boulin, dont l'une à l'os malaire. "C'est un os très résistant et très dur qui protège le sinus de la face. Il ne se casse pas facilement, seulement avec un choc relativement important, ce qui ne me parait pas compatible avec une chute dans l'eau", estime-t-il.
Dans la longue liste des incohérences pointées par ce reportage, il y a notamment cette lettre d’adieu qu’aurait laissé Robert Boulin. Sauf que son assistante, qui a travaillé des années à ses côtés, est formelle, ce n'est pas le papier du ministère qui a été utilisé pour l'écrire. Et ce ne sont que deux des nombreuses révélations contenues dans cette enquête. Au bout du compte, et 38 ans après les faits, une certitude s'impose au fil du reportage : Robert Boulin ne s'est pas suicidé. De nombreux proches d'ailleurs refusent de croire à la thèse du suicide, comme Fabienne Boulin-Burgeat, la fille du ministre , ou encore Bernard Pons, ancien collaborateur de Jacques Chirac, tous deux interviewés par France 2.
"J'ai de quoi les faire taire". En revanche, savoir pourquoi et par qui il a été tué reste un mystère. Robert Boulin a été ministre de Charles De Gaulle, de Georges Pompidou, de Valéry Giscard d'Estaing. Il savait beaucoup de choses, sans doute trop. Le financement des partis politiques n’avait pas de secret pour lui. Sauf que tous ses dossiers ont été détruits par des membres du SAC (Service d’action civique). L’assistant parlementaire de Robert Boulin, Bernard Fonfrède, a eu le temps d’en lire quelques-uns et accepte dans Envoyé spécial d’en dévoiler le contenu. "J'ai trouvé des dossiers sur le financement des partis politiques… au pluriel. Le RPR entre autres, [financé] par Elf et le Gabon. J'ai souvenir qu'il écrivait : 'j'ai de quoi les faire taire'".
Une instruction est toujours en cours, mais elle se heurte au sceau du secret institutionnel. En effet, la CIA détiendrait des informations classifiées sur Robert Boulin, de même que les services de renseignements français. La vérité sur Robert Boulin éclatera peut-être un jour. Peut-être.