Une hausse du Smic de 100 euros, vraiment ? Ce que va changer l'annonce de Macron

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Le président de la République a annoncé lundi soir une augmentation de salaire de 100 euros pour les travailleurs payés au Smic. En réalité, ce n'est pas exactement ce qui va se passer.
ON DÉCRYPTE

La nuance est dans les détails et les modalités d'application. Lundi soir, Emmanuel Macron répondait à la colère des "gilets jaunes" avec une série de mesures, dont une prompte à marquer les esprits : "le salaire d'un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019." Ce que comprend tout le monde alors, c'est que le Smic augmentera de bien plus que la hausse automatique effective au 1er janvier 2019 ne le prévoyait. Et ce, alors que plusieurs membres du gouvernement avaient annoncé le contraire le jour même. Mais une fois les renseignements pris, il apparaît que la formulation du président est plus ambigüe qu'il n'y parait. En réalité, il ne s'agit pas d'une hausse de salaire, mais d'un coup de pouce via la prime d'activité. Europe 1 vous explique la différence et ce qu'elle implique pour le salarié.

D'où viennent les 100 euros promis par Macron ?

Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, a expliqué lundi sur RMC le découpage des 100 euros dont a parlé Emmanuel Macron. Vingt proviennent de baisses de cotisations. Les 80 autres euros correspondent à une revalorisation de la prime d'activité. Cette revalorisation était déjà prévue. Elle devait s'échelonner de 2018 à 2021, à raison de 20 euros par an. Ce qu'a décidé le gouvernement, c'est donc d'accélérer ce processus pour augmenter la prime de 80 euros dès 2019. "Vingt euros de baisse de charges et 80 euros de prime d'activité, cela fait 100 euros nets", a résumé Benjamin Griveaux.

De combien augmentera vraiment le Smic ?

Le salaire minimum augmente automatiquement chaque année selon l'inflation. Cette année, la hausse prévue est de 1,8%, soit 36 euros bruts mensuels. L'équivalent d'environ 25 euros nets par mois, ce qui le ferait passer 1.184, 93 euros à environ 1.209,93 euros. Comme tous les ans, le gouvernement avait la possibilité d'ajouter à cela un coup de pouce supplémentaire. Une idée écartée depuis plusieurs jours par de nombreux membres du gouvernement, notamment Edouard Philippe dès le 28 novembre. Notons que l'État a renoncé à ce geste depuis 2012.

Les salariés au Smic auront-ils donc 100 euros de plus ?

La seule chose certaine, c'est qu'un salarié au Smic touchera forcément 36 euros bruts mensuels de plus et bénéficiera des 20 euros nets de baisse de cotisations. Soit environ 45 euros nets supplémentaires par mois.

Pour y ajouter les 80 euros de hausse de la prime d'activité… encore faut-il avoir droit à cette prime. Or, elle est certes versée aux salariés qui touchent entre 0,5 et 1,2 fois le Smic, mais dépend aussi des ressources et de la composition de leur foyer (nombre de personnes à charge). C'est-à-dire qu'un salarié au Smic dont le ou la conjoint(e) gagne mieux sa vie, et qui n'a pas d'enfant à charge, peut ne pas en bénéficier. Pour ces personnes-là, la hausse sera moindre que celle dont a parlé Emmanuel Macron. Pour d'autres, elle pourrait être supérieure et atteindre les 125 euros nets, entre la prime d'activité et l'augmentation du Smic.

Mardi après-midi, Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, ainsi qu'Edouard Philippe, ont néanmoins indiqué devant les parlementaires qu'ils allaient réfléchir à "comment gérer le cas des personnes au Smic qui ne touchent pas la prime d'activité".

Hausse du Smic ou de la prime d'activité, qu'est-ce que cela change ?

Sur la feuille de paie, rien du tout. Dans les deux cas, les personnes concernées voient leur salaire augmenter. Mais sur le long terme, la hausse d'une prime ne peut être comparée à une hausse de salaire. Parce qu'elle n'est pas soumise aux cotisations sociales, la prime d'activité n'est pas prise en compte dans le calcul de la retraite par exemple.

L'autre conséquence est pour les entreprises. Car la prime d'activité est versée par l'État, et non l'employeur, qui ne paie donc aucune cotisation patronale dessus. C'est d'ailleurs ce qu'a promis Emmanuel Macron lundi soir en disant que cette hausse de 100 euros se ferait "sans qu'il en coûte un euro de plus pour l'employeur".

Enfin, à termes se posera la question du budget de l'assurance maladie et l'assurance chômage. Qu'adviendra-t-il si on baisse les cotisations chômage et maladie (celles qui sont comprises dans les 20 euros de baisse de "charges" dont parle Benjamin Griveaux) ? À gauche, on commence d'ores et déjà à s'inquiéter. "La baisse des cotisations salariales veut dire que c'est la sécurité sociale qui financera les augmentations", a écrit Benoît Hamon, leader de Génération.s, sur Twitter. "Pas les riches, ni les profits exorbitants des grands actionnaires."