Surconsommation : Shein, Temu, Alibaba… vers un malus de cinq euros sur chaque vêtement de fast-fashion ?

shein fast fashion mode
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Juline Garnier / Crédit photo : ROMAIN LONGIERAS / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
Plusieurs députés souhaitent s'attaquer au modèle de "l'ultra fast-fashion" grâce à une proposition de loi visant à pénaliser financièrement les plateformes de vente de vêtements à bas prix et de mauvaise qualité. Leur objectif : créer un "bonus-malus" sur chaque vêtement, qui permettrait d'aider l'industrie textile française et européenne. Europe 1 vous explique.

Est-ce la fin des t-shirts vendus moins de cinq euros en ligne ? Plusieurs plateformes chinoises qui ont construit leur modèle économique sur la vente de vêtements bas de gamme, comme Shein ou Temu, sont dans le viseur de députés français. Le groupe Horizons défendra à la mi-mars une proposition de loi pour pénaliser financièrement ces entreprises. D'autres propositions similaires ont aussi vu le jour comme celle de Dominique Potier (PS) ou celle d'Antoine Vermorel-Marques (LR).

"Ce coût, c’est celui infligé à la société"

L'une des mesures principales qui sera exposée à l'Assemblée nationale repose sur la création d'un "bonus-malus". Concrètement, sur chaque vêtement vendu par ces plateformes, cinq euros supplémentaires seront payés par l'acheteur, faisant par exemple passé le prix d'un t-shirt de trois à huit euros sur le site en France. Et ces cinq euros serviront à financer un "bonus" pour les entreprises textiles qui fabriquent leurs vêtements en France ou en Europe, même si le montant exact de ce bonus-malus devra être débattu.

"L’idée c’est de faire en sorte que ce t-Shirt d’ultra fast-fashion vendu et qui ne respecte ni nos normes environnementales, ni nos normes sanitaires, ni nos normes sociales, ait un coût supplémentaire car ce coût c’est celui qu’il inflige à la société. Et ce pour l'internaliser de nouveau dans nos coûts de production et ainsi inciter ces industriels soit à changer, soit à quitter notre marché car on considère que ce n’est pas vertueux", détaille Antoine Vermorel-Marques, député LR de la Loire et membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Pour rappel, le principe d'ultra fast-fashion est de proposer plusieurs milliers de nouveaux produits par jour sur une plateforme en ligne, sans boutique physique ni stock de vêtements entreposé en Europe. Avec des prix extrêmement bas - souvent moins de dix euros par produit - leur but est d'encourager le consommateur à ne pas acheter un mais plusieurs produits à chaque commande, le tout envoyé directement de Chine par avion. Une stratégie dénoncée par le député dans une vidéo diffusée sur TikTok parodiant la mode des "haul", ces vidéos où les internautes dévoilent face caméra le contenu d'une commande de vêtements faite en ligne.

@antoinevermorel42 Les vêtements à 2€ qui arrivent en avion, contiennent des substances nocives pour la santé et finissent sur les plages en Afrique, c’est non ! Je dépose à l'Assemblée nationale une proposition de loi pour instaurer un bonus-malus afin de pénaliser les marques et pour encourager les démarches plus vertueuses ♻️ #shein#sheinhaul#ecologie#fastfashion#stopshein#pourtoi#fyp @lookbookaly @menezangel_ @loufitlove @lila_drila @cilia.ghass @tifanywallemacq @veronika_cln @lia__toutcourt @iamm_mae.e@IAMM_MAE.E ♬ son original - antoinevermorel

Un "moteur contre la destruction d'emplois"

"C’est ce modèle contre lequel on entend lutter. Pour nous, il est urgent de dire stop, sinon tout ce sur quoi on est en train de travailler, sur l’économie circulaire, la durabilité du produit, le rapport qualité prix, tout ça va s’effondrer au profit de cette économie qui n’est pas régulée", explique le député. "Je pense que ce bonus-malus sera un vrai moteur pour éviter la destruction d’emplois dans un premier temps et peut-être à terme un moteur pour de la création d’emplois", ajoute-t-il.

Des propositions vues d'un très bon œil par les professionnels du secteur en France. Face à Shein et ses 5.000 nouveaux produits publiés par jour - dont certains sont créés grâce à l'intelligence artificielle - il est même question de la survie de l'industrie textile, selon Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin. "Face à la boulimie des consommateurs, on a trouvé là un indicateur, une limite à ne pas dépasser", se félicite-t-il.

Stopper la boulimie des consommateurs

Il y voit même une nouvelle vision du capitalisme, axée sur le protectionnisme des industries françaises et européennes. "Si on ne le fait pas, il y aura des répercussions dans tous les domaines : écologique, sanitaire, emploi. Les autres secteurs vont finir par y passer aussi, comme c'est déjà le cas avec celui de la décoration intérieure sur Temu", dénonce Yann Rivoallan. Le but est de diminuer la surconsommation et revenir à des niveaux de consommation avant l’émergence de ces plateformes. Il ne s'agit que d'une première étape pour améliorer l’attractivité des marques françaises et européennes.

"Nous sommes dans une ère de frénésie consommatrice. On le voit avec la consommation de vidéos sur TikTok, qui crée même des addictions. C’est la même chose avec l’achat de vêtements sur Shein. Il faut stopper ça", insiste le professionnel. Quant au député LR Antoine Vermorel-Marques, il l'assure, il est ouvert à voter la proposition de loi d'autres députés, comme ceux du groupe Horizons. "Le but c’est d’avoir un accord rapidement", conclut-il.