Prélèvement à la source : "est-ce que psychologiquement les Français sont prêts ?"

© Joël SAGET / AFP
  • Copié
Romain David
Invités de Wendy Bouchard sur Europe 1, deux experts se penchent sur l'impact psychologique que pourrait avoir la réforme qui entre en vigueur le 1er janvier, alors que la colère des "gilets jaunes" trahit le ras-le-bol fiscal d'une grande partie des Français.
LE TOUR DE LA QUESTION

Le prélèvement à la source entre en vigueur dans moins d'un mois. Les difficultés techniques liées à sa mise en application ont fait hésiter le gouvernement début septembre. Mais pas seulement. L'impact psychologique que pourrait avoir la réforme sur les contribuables – puisque concrètement elle va se traduire par une baisse du chiffre inscrit en bas de la fiche de paye – a également fait douter l'exécutif.

Un moment critique pour les Français. "Est-ce que psychologiquement les Français sont prêts ? C'est une question à laquelle collectivement nous devons répondre", interrogeait Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, sur France Inter, en septembre. Moins de 25 jours avant le jour J, la dimension psychologique de ce "big bang" fiscal reste toujours aussi difficile à appréhender. Et d'autant plus que la grogne des "gilets jaunes ", qui agite le pays depuis trois semaines, s'est d'abord cristallisée sur la hausse de la fiscalité écologique.

Nous sommes "dans un moment où les boussoles sont perturbées par d'autres dérèglements", relève ainsi Emmanuel Lechypre, directeur de l’Observatoire BFM Business, invité jeudi de Wendy Bouchard dans Le tour de la question sur Europe 1. "Depuis qu'Emmanuel Macron est arrivé, entre la hausse de la CSG, la baisse des cotisations sociales, au printemps et en octobre, plus le prélèvement à la source, la fiche de paie des Français aura changé quatre fois en dix-huit mois", note-t-il. De quoi brouiller la lisibilité des prélèvements, alors même que 67% des Français jugent le montant des impôts excessifs, et que seule la moitié (54%) estime que son paiement est un acte citoyen au service de l'intérêt général, selon une enquête Ipsos publiée par Le Monde fin novembre.

>> De 9h à 11h, c'est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l'émission ici

Les Français paieront autant d'impôts, mais… "Les Français ne sont pas bêtes, ils ont bien compris que c'était une réforme du mode de prélèvement, pas une réforme fiscale", veut-il nuancer. "L'impôt sur le revenu n'est payé que par 45% des Français, il y en a donc une grande majorité qui ne verront aucune différence sur leur fiche de paie, avant et après le prélèvement à la source", rappelle de son côté Laurent Benoudiz, le président de l'Ordre des experts-comptables en Île-de-France, également invité du Tour de la question.

"Les contribuables vont payer autant d'impôts, en revanche, dans la gestion de trésorerie, il y a peut-être une épargne de précaution qui va se constituer les premiers mois, avant de savoir à quelle sauce ils vont être mangés", tient à préciser le patron de l'Observatoire BFM Buisness. De quoi impacter l'économie française, dont la consommation des ménages reste la première composante ? "Il est possible que la première année, des achats importants soient différés."

"Des fins de mois moins compliquées". Laurent Benoudiz se veut plus rassurant. "Mon sentiment, c'est que l'on aura des fins de mois moins compliquées, compte-tenu du fait que les 15 jours qui vont du 15 au 30 janvier, on n'aura pas été ponctionné de l'impôt", explique-t-il. En outre, le paiement en temps réel devrait jouer en faveur du pouvoir d'achat des Français. Le comptable ajoute : "On va pouvoir payer l'impôt de janvier avec le salaire de janvier, alors qu'aujourd'hui on paye l'impôt de janvier avec le salaire de décembre."

Un "effet psychologique redoutable" qui s'atténuera, selon nos internautes

Sur la page Facebook d'Europe 1, nous vous avons demandés si vous étiez favorables ou non à l'instauration du prélèvement à la source. "JM" présage que "l'effet psychologique de voir sa fiche de paie directement amputée sera redoutable." Il rappelle toutefois que dans l'ensemble, la majorité des Français n'a pas à s'inquiéter outre mesure. D'une part parce que beaucoup ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu, "et d'autre part, la majorité de ceux qui le paient sont mensualisés à la fin du mois. Il en restera plus sur le compte", car les prélèvements seront étalés sur douze mois au lieu de dix.

Alain abonde : "70 % de foyers fiscaux étaient en prélèvement mensuel sur dix mois. On passe au prélèvement sur douze mois, donc pour un montant inférieur à revenu égal. Où est le problème ?"

Si ces deux internautes tiennent à dédramatiser l'impact de la mesure, certains restent méfiants. C'est le cas de Coco. "Même si je suis pour le prélèvement à la source, il faudra quand même bien contrôler car les risques d'erreur existent."