Loi Travail : le gouvernement fait un geste envers les syndicats

© THOMAS SAMSON / AFP
  • Copié
, modifié à
NEGOCIATIONS - La ministre du Travail a proposé mercredi de revoir la hiérarchie entre accords de branche et accords d’entreprise.

Depuis plus de trois mois, Myriam El Khomri voit son projet de loi Travail contesté par une partie des syndicats et ces derniers ne comptent pas lâcher l’affaire : une nouvelle journée de mobilisation, la douzième, est prévue le 5 juillet prochain. Après avoir revu sa copie puis tenu un discours de fermeté, le gouvernement tente à nouveau de renouer le dialogue : Manuel Valls a reçu mercredi syndicats et patronat pour "faire un point" sur le texte. Et surtout leur proposer de revoir la réforme inversant la hiérarchie des normes.

La hiérarchie des normes au cœur des débats. Afin que cette rencontre ne vire pas au dialogue de sourds, le gouvernement attendait les partenaires sociaux avec des propositions. Objectif : mettre fin à la polémique sur l’inversion des normes, prévue par l’article 2 du projet de loi. Ce dernier prévoit qu’un accord d’entreprises prime sur un accord de branche, un scénario redouté par les syndicats : par exemple, le fait que les heures supplémentaires soient majorées de 25% dans un secteur n’empêcherait pas une entreprise de ramener cette majoration à 10% si elle arrive à convaincre les représentants de ses salariés. Or les syndicats estiment que le rapport de force entre employeurs et salariés est bien plus favorable aux premiers dans les entreprises que dans les branches.

Articuler au cas par cas accords de branche et d'entreprises. C’est donc sur ce dossier que Myriam El Khomri a fait de nouvelles propositions, afin de renforcer à nouveau les branches par le biais d’amendements. Alors que la loi Travail prévoyait que les accords d’entreprises passeraient devant les accords de branche, la ministre propose désormais que ce ne soit le cas que pour certains sujets précis. Pour les autres, les règles seraient toujours fixées au niveau de la branche.

"Nous souhaitons qu'au sein de chaque branche, employeurs et syndicats négocient pour définir les thèmes sur lesquels un accord d'entreprise ne pourra pas déroger à l'accord de branche", a déclaré la ministre du Travail. Et cette dernière de préciser : "nous souhaitons ajouter dans la loi deux domaines où l'entreprise ne pourra pas faire moins bien que la branche, à savoir l'égalité professionnelle et la pénibilité".

Le secrétaire général de Force Ouvrière (FO) s’est montré encore plus précis. D’après Jean-Claude Mailly, "la branche sera confirmée comme le niveau de négociation" dans les dossiers suivants : "les salaires, les classifications, la formation professionnelle, la prévoyance, l'égalité professionnelle et la pénibilité". En revanche, l’entreprise pourrait l’emporter sur la branche en ce qui concerne " les heures supplémentaires, le travail de nuit et le temps partiel".

Vers une sortie de crise ? Alors que les entreprises devaient obtenir les plus grandes marges de manœuvre, ce ne serait donc finalement le cas que sur un nombre limité de sujets. L’article 2 au cœur des débats est donc sérieusement allégé, de quoi espérer calmer les syndicats opposés à la loi Travail.  

"Les avancées que nous proposons traduisent notre volonté de dialogue. Elles répondent, en outre, aux inquiétudes exprimées par des organisations syndicales, mais aussi patronales, quant à la disparition de la branche", a estimé Myriam El Khomri dans un entretien accordé au  Monde. Et en effet, du côté de FO le climat semble s’apaiser : le projet de loi est "en progrès", a déclaré dans la foulée Jean-Claude Mailly, avant d’ajouter : "on n'est pas dans la logique, pour le moment, de poursuivre des manifestations".

Ne pas redescendre dans la rue ne signifie pas pour autant tourner la page : "on va continuer le lobbying, y compris auprès des députés, notamment sur les heures supplémentaires", a-t-il prévenu, évoquant la possibilité de "faire pression différemment".