"Le producteur ne doit plus être la variable d’ajustement", défend le patron de Lidl France

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avec Emmanuel Duteil

Invité d’Europe 1, Michel Biero, directeur exécutif de Lidl France, défend la politique de prix de l’enseigne, qui veut redonner du pouvoir aux éleveurs.

Le Salon de l’Agriculture ouvre ses portes samedi et pour la cinquième année consécutive Lidl tiendra un stand dans les allées de la "plus grande ferme de France". Une gageure dans le contexte actuel de relations très tendues entre agriculteurs et grande distribution. "La première année, c’était compliqué en termes d’ambiance. Mais quand vous vous mettez au niveau des agriculteurs, que vous prenez le temps d’expliquer votre démarche, ça s’apaise", se réjouit Michel Biero, directeur exécutif de Lidl France, invité de l’interview éco d’Emmanuel Duteil, jeudi sur Europe 1.

L’éleveur décide des prix. Cette présence au Salon a entraîné une prise de conscience au sein du distributeur. "Un agriculteur sur trois gagne moins de 300 euros par mois, ce n’est pas possible", déplore Michel Biero. En discutant avec les producteurs, Lidl a donc développé progressivement des accords tripartites, signés directement avec les éleveurs pour le lait, le porc et le bœuf. "On discute d’abord avec l’éleveur. C’est lui qui décide de la durée du contrat et du prix, en général son coût de production et un petit plus pour qu’il puisse se rémunérer", explique le directeur exécutif de Lidl France, en charge des achats.

 

Écoutez l'interview intégrale de Michel Biero à 22h20 dans le journal de la nuit d'Isabelle Millet. Le replay de l'émission est à retrouver ici.

Comme leur nom l’indique, les accords tripartites incluent un troisième acteur : les transformateurs. "Une fois qu’on a défini ce prix, on trouve ensemble un industriel qui est d’accord avec ce partenariat, et soit en totale transparence avec nous et l’éleveur", précise Michel Biero. "Ce n’est pas toujours simple d’en trouver un qui accepte de jouer le jeu et c’est pour ça que nous n’avons pas encore 100% de notre porc et de notre bœuf qui provient de ces accords. Mais c’est le cas pour le lait", détaille-t-il au micro d’Europe 1.

Lidl vend "au juste prix toute l’année". Comment le producteur peut-il être respecté alors que la guerre des prix fait rage entre les distributeurs ? "L’idée c’est qu’il ne soit plus la variable d’ajustement. Il a son coût de revient, il est couvert et nous, de notre côté, on continue de négocier le bout de gras avec l’industriel", assure Michel Biero.

Un engagement plus facile à tenir pour Lidl puisque l’enseigne "ne propose que 10% de produits de grandes marques et 90% de marques distributeur". "La conséquence, c’est qu’on ne peut pas faire de promotions monstres mais qu’on propose le juste prix toute l’année. Par exemple, on vend notre litre de lait 72 centimes, là où des grandes marques le cassent à 59 centimes, ce qui est une hérésie pour les producteurs", illustre le directeur exécutif de Lidl France.

"Le consommateur français se méfie des produits pas chers". Pour aller au bout de sa démarche, Lidl essaye de sensibiliser ses clients. "Depuis tout petit, grâce à leur marketing puissant, les grandes marques françaises essayent de nous faire croire que leurs produits sont les meilleurs du monde. Résultat, quand il ne connaît pas ou que ce n’est pas cher, le consommateur se méfie", regrette Michel Biero. "On veut démontrer qu’on peut avoir des produits très qualitatifs qui n’ont absolument rien à envier aux marques, tout en ayant des prix compétitifs et en rémunérant tout le monde correctement."

Conséquence de sa politique d’offre, Lidl est moins impacté que les autres acteurs de la grande distribution par la hausse des prix liée à l’entrée en vigueur de la loi Alimentation. "Nous avons bien une augmentation de 4% en moyenne mais elle ne concerne qu’une petite centaine de produits, contre quelques milliers chez nos concurrents. Sur le panier de la ménagère, on parle de quelques centimes en plus", assure Michel Biero. Une stratégie qui, selon lui, a permis à Lidl de ne pas trop subir la crise des "gilets jaunes" : "nous avons eu un impact positif puisque nous avons gagné environ 400.000 clients sur la fin d’année".