Le plan du gouvernement pour lutter contre la fraude fiscale

Gérald Darmanin et Édouard Philippe ont esquissé les contours de leur plan.
Gérald Darmanin et Édouard Philippe ont esquissé les contours de leur plan. © Bertrand GUAY / AFP
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C.L. avec Anne-Laure Jumet et AFP
Avec un volet prévention et un autre axé sur la répression, le plan concocté par Bercy pour lutter contre la fraude fiscale se précise. Plus de 60 milliards d’euros sont en jeu.

Le gouvernement a dévoilé ces derniers jours par touches successives les principales mesures de son plan de lutte contre la fraude, destiné à récupérer une partie des 60 à 80 milliards d'euros d'impôts qui échappent chaque année à l'État. Sanctions contre les sociétés encourageant l'évasion fiscale, publication du nom des plus gros fraudeurs, recours accru aux algorithmes... Voici les principales mesures de ce dispositif, que l'exécutif entend mettre en œuvre avant l'été, notamment par le biais d'une loi.

  • Publier les noms des fraudeurs

C'est l'une des mesures les plus emblématiques du plan annoncé par le gouvernement : la pratique du "name and shame" ("nommer et faire honte"), qui consiste à désigner publiquement le nom des fraudeurs à des fins dissuasives, sera développée pour les cas les plus graves. "Il faut que le peuple français sache qui cherche à s'exonérer des obligations fiscales légitimes qui sont à la charge de chacun", a expliqué mercredi Edouard Philippe face aux parlementaires. C'est surtout une mesure destinée aux entreprises, même si les particuliers peuvent également être concernés.

La publication des noms, via les journaux ou Internet, sera obligatoire pour les condamnations pénales, sauf décision contraire du juge, et possible pour certaines fraudes sanctionnées par l'administration. "Ça concernerait quelques dizaines de dossiers par an", précise le cabinet du ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin. Il assure que cette démarche "ne remet pas en cause le secret fiscal, qui est fait pour protéger la respectabilité des gens honnêtes". L'idée c'est de faire une mauvaise publicité aux sociétés qui se dérobent à l’impôt et de dissuader les autres de s'engager dans la même voie.

 

 

 

Le "name and shame" peut-il permettre de lutter contre la fraude fiscale ?

"Ça peut être dissuasif, à condition que derrière on se donne les moyens pour lutter contre l’évasion fiscale", estime Anne Guyot-Welke, secrétaire général du syndicat Solidaires Finances publiques, invitée du débat d’Europe Midi. Elle ajoute qu’"il ne faut pas qu’il y ait une disparité de traitement entre particuliers et entreprises". Pas vraiment l’avis de Me Vincent Renoux, avocat fiscaliste au cabinet Stehlin et associés. "Je ne vois pas à quoi ça sert si cela s’adresse uniquement aux fraudeurs. Tout le monde s’en fiche un peu des noms. Ça fait un peu #balancetonfraudeur avec un petit côté délation et de toute façon ça n’arrêtera pas ceux qui sont déterminés à frauder", affirme-t-il.

 

  • Mise en place d’une police fiscale

"Nous allons renforcer les moyens d'enquête judiciaire pour fraude fiscale avec la création d'un service spécialisé à Bercy", a annoncé Gérald Darmanin dans une interview accordée jeudi au Figaro. Ce service viendra compléter le travail de la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), actuellement débordée. Il sera doté à terme de 30 à 50 agents, et pourrait être dirigé par un magistrat, a précisé Bercy.

Cette nouvelle structure pourra être saisie par le Parquet national financier (PNF) dans le cas de dossiers nécessitant une "expertise fiscale pointue". Ses agents pourront procéder à des écoutes ou à des perquisitions, comme le fait la police judiciaire.

  • Exploitation des données et algorithmes

Comme l'avait déjà annoncé Edouard Philippe début décembre, l'exploration de données sera développée afin de cibler les contrôles sur les cas les plus suspicieux. Cette technique permet de détecter les dossiers à risques grâce à des logiciels permettant de croiser des informations fiscales. Elle est déjà utilisée depuis 2014 pour les entreprises, et testée depuis fin 2017 pour les particuliers.

Selon le cabinet de Gérald Darmanin, une dizaine d'agents seront recrutés d'ici l'été pour accroître le recours à ces techniques, l'objectif étant d'avoir à terme une vingtaine d'agents spécialisés dans les données et leur exploitation pour épauler les inspecteurs des impôts. Une quinzaine de millions d'euros, selon Bercy, vont être mobilisés. Cela permettra de développer "l'équipement technique, matériel et juridique de l'administration fiscale", a précisé le Premier ministre.

  • Installation d’un guichet de régularisation

Un guichet sera mis en place, par le biais d'une circulaire, pour les entreprises souhaitant régulariser leur situation. Cela permettra "de faciliter les démarches engagées par les entreprises de bonne foi", précise Bercy. Selon Le Figaro, cette nouvelle cellule pourra notamment être utile dans le cas d'un nouvel actionnaire qui découvrirait, "après un rachat, un mécanisme litigieux" et qui "sera ainsi assuré d'encourir des pénalités moins sévères".

  • Recours au plaider coupable

Une procédure de plaider coupable sera prévue pour les fraudeurs poursuivis au pénal et disposés à reconnaître leurs torts. Ces derniers pourront alors s'éviter un procès, en acceptant la peine proposée par le parquet. "Il ne s'agit pas d'une transaction", insiste Bercy, qui veut ainsi "accélérer les procédures". Le "plaider coupable" n'empêchera pas, par ailleurs, la publication du nom du fraudeur, précise-t-on.

  • Sanctions pour les facilitateurs

Des sanctions seront créées pour les intermédiaires, comme les cabinets d'avocat ou les sociétés de conseil, à l'origine de montages frauduleux, notamment par le biais de sociétés offshore. Selon Bercy, ces "officines" pourraient se voir infliger des pénalités administratives allant de 10.000 euros à 50% des honoraires perçus. "L'objectif, c'est de mettre un terme au flou."

  • Publication des rescrits fiscaux

Les rescrits fiscaux, résumant la position du fisc sur une question soumise par une entreprise, seront désormais "publiés", annonce Gérald Darmanin au Figaro. Une façon selon lui d'"aider les chefs d'entreprise à mieux comprendre les règles fiscales", parfois complexes.