La sortie de l’euro voulue par le Front national pourrait coûter 190 milliards à la France

Marine Le Pen n'a pas chiffré l'impact de la sortie de l'euro.
Marine Le Pen n'a pas chiffré l'impact de la sortie de l'euro. © JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
  • Copié
Clément Lesaffre , modifié à
L’Institut Montaigne estime qu’à long terme, le PIB français se contracterait de 4 à 13% et que des centaines de milliers d’emplois seraient détruits.

La sortie de l’euro et le retour à une monnaie nationale est depuis longtemps un cheval de bataille économique au Front national. Mais, paradoxalement, le projet monétaire de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle reste très évasif. Aucune mention à l’euro tel quel dans ses 144 engagements (encore moins à son projet de monnaie commune) et tout juste un mot au point 35 du "rétablissement d’une monnaie nationale adaptée à notre économie" pour soutenir les entreprises françaises face à la concurrence internationale. Quant à un éventuel chiffrage, le FN ne s’y est jamais risqué.

190 milliards d’euros d’activité en moins. C’est donc avec peu d’indications que l’Institut Montaigne a tenté de calculer l’impact d’une sortie de l’euro sur notre économie, dans le cas où Marine Le Pen serait élue présidente de la République. Les conclusions du think tank, d’inspiration libérale, interpellent. Les chiffreurs de l’institut estiment qu’une telle mesure pourrait coûter à la France entre 0,6 et 3,2% de son PIB la première année et de 4 à 13% dans une quinzaine d’année. Si on ne garde que l’estimation médiane, le retour à une monnaie nationale coûterait 2,3% du PIB au début (49 milliards d’euros) et 9% à long terme, soit 190 milliards de perte d’activité*.

Forte dévaluation. L’Institut Montaigne le reconnaît, "les effets d’une telle mesure (sortie de l’euro et en conséquence, de l’Union européenne, ndlr) sont difficiles à apprécier".  Les auteurs de l’étude ont donc dû choisir des hypothèses fortes. Selon eux, compte tenu de la dette extérieure de la France, le "nouveau franc" serait dévalué de 15% par rapport à l’euro lors de sa mise en place (20% à terme). Ce qui aurait des conséquences terribles pour les Français ayant contracté des emprunts en euro mais désormais payés avec un "nouveau franc" ayant une valeur inférieure à l’euro.

Inquiétude des investisseurs. Certes, cela contribuerait positivement à la croissance et à nos exportations "à court et moyen termes". Mais à long terme, le changement de monnaie inquiéterait les investisseurs qui pourraient bien déplacer leurs capitaux vers d’autres pays de la zone euro. Pour rendre les placements en "nouveau franc" plus attractifs, les taux d’intérêts remonteraient, ce qui aurait pour conséquence de rendre les crédits plus chers pour les Français et ainsi de pénaliser la consommation. Le pouvoir d’achat serait également réduit à cause de l’inflation qui accompagne toutes les dépréciations de monnaie.

Barrières douanières. Autre conséquence, une sortie de l’euro impacterait négativement nos échanges commerciaux. Cinq de nos dix premiers partenaires commerciaux sont situés en zone euro, à commencer par l’Allemagne et le Belgique avec qui nos liens économiques sont les plus étroits. Il faudrait compter sur la mise en place de barrières tarifaires chez nos voisins désireux de protéger leur économie de la nouvelle concurrence des entreprises françaises, portées par une monnaie dévaluée et donc compétitive.

500.000 emplois menacés. Changer de monnaie entraînerait également une réduction des investissements et des implantations d’entreprises des pays de la zone euro sur le territoire français, afin de ne pas subir les coûts de transactions liés au taux de change. Résultat, "le nombre d’emplois détruits par cette mesure atteindrait plusieurs dizaines de milliers dès la première année, et pourrait largement dépasser un demi-million d’emplois détruits à long terme", avancent les auteurs du chiffrage.

Contrôle des capitaux. "La fuite des capitaux vers l’étranger, la défiance des acteurs économiques (ménages et entreprises) vis-à-vis d’une monnaie en dépréciation et le moindre accès des banques aux financements étrangers mettraient les institutions financières en danger", prévoit l’Institut Montaigne. Avec un risque de panique qui obligerait l’État à contrôler les mouvements de capitaux pour maintenir un niveau suffisant de liquidités dans l’Hexagone. Avec, là encore, des réactions hostiles de nos partenaires à prévoir.

Une indication à prendre avec des pincettes. Toutefois, il faut rester prudent quant aux conséquences économiques exactes de la sortie de l’euro. "Le chiffrage de cette mesure est peu fiable du fait de la complexité des phénomènes économiques en œuvre", admet l’Institut Montaigne. Les auteurs ne prennent d’ailleurs pas en compte le scénario catastrophe d’une désagrégation de la zone euro.

La France est un membre fondateur de l’Union européenne et représente aujourd’hui 20% de sa force économique. Une sortie obligerait les États restants à reconsidérer sérieusement l’avenir de l’Union, voir à y mettre un terme. Tout cela est impossible à quantifier tant les bouleversements seraient colossaux. Le travail réalisé par l’Institut Montaigne doit donc plutôt être considéré comme un indicateur.

*Calcul Europe1.fr sur la base du PIB 2016 calculé par l’Insee (2118 milliards d’euros).