Intermittents : un accord qui ne règle pas tout

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Des intermittents du spectacle manifestent lors de la présentation de la sélection officielle du festival de Cannes, le 14 avril 2016. © PATRICK KOVARIK / AFP
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Syndicats et employeurs du monde de la culture ont réussi à s’entendre, sauf que leur accord ne permet pas les économies espérées.

Le changement de méthode a payé. Alors que les négociations sur le régime d'assurance-chômage des intermittents a toujours viré au psychodrame, avec son lot de grèves et d’occupations, les dernières tractations se sont déroulées de manière apaisée. Un accord a même été trouvé mercredi soir. Mais ce dossier n’est pas clos pour autant, bien au contraire, car l’accord en question ne respecte pas les objectifs fixés par l’Unédic. Or l’aval de cette dernière est indispensable pour que le texte entre en application.

L’objectif : 185 millions d’économies. Patronat et syndicats ayant le plus grand mal à réformer le régime des intermittents et ses nombreuses spécificités, ils ont décidé d’expérimenter une nouvelle méthode : les partenaires sociaux réunis au sein de l’Unédic fixent désormais un objectif d’économies, le monde du spectacle étant libre de décider comment y arriver, ce qui est une première. Cette année, l’objectif est de réaliser 185 millions d’euros d’économies d’ici 2018.

Un accord qui n’en prend pas la direction. Au terme de deux mois de négociations, employeurs et syndicats ont réussi à trouver un accord mercredi soir. Il y a bien des mesures censées réduire les déficits chroniques du régime des intermittents : augmentation de la cotisation patronale de 1%, fin des abattements pour frais professionnels et abaissement du plafond de cumul allocation - salaire.

Les autres mesures vont dans le sens d’une meilleure protection sociale : alignement du régime des techniciens sur celui des artistes, retour à une date anniversaire pour le calcul des droits des intermittents ou encore neutralisation des baisses d'indemnisation après un congé maternité. Si bien qu’au final, les économies potentielles paraissent bien inférieures à l’objectif de 185 millions d’économies.

L’Unédic va-t-il valider ce texte ? Dans ce contexte, ce n’est parce qu’un accord a été trouvé qu’il sera automatiquement entériné. Ce qu’a d’ailleurs souligné jeudi Jean-Patrick Gilles, médiateur du conflit des intermittents en 2014 : "selon la loi, s'il y a un accord, il s'applique, pour autant qu'il rentre dans le  cadrage financier. (…) Tout le débat dans les heures qui viennent est de savoir s'il rentre dans ce cadrage".

Sauf que cet objectif de 185 millions d’euros d’économies est lui-même contesté par la CGT, majoritaire dans le monde de la culture, mais aussi par la ministre de la Culture. Le Medef, qui a pesé de tout son poids pour mettre la barre aussi haut, est soupçonné d’avoir proposé un chiffre qu’il savait inatteignable par pure provocation. Ce qui explique pourquoi le gouvernement a annoncé jeudi qu'il pourrait compenser le manque à gagner à hauteur de 90 millions d'euros. 

Dans ce contexte, deux options : soit l’Unedic revoit son objectif d’économies à la baisse et entérine l’accord, d’autant que les négociations sur le régime des intermittents ne se sont jamais déroulées de manière aussi apaisée avec cette nouvelle méthode. Soit il reste sur sa ligne et les choses pourraient se compliquer, avec son lot de manifestations et de menaces sur les festivals d’été. Car en l’absence de consensus, l’Etat reprendrait les négociations en main et pourrait privilégier une autre piste, redoutée par les intermittents : la création progressive d’une caisse autonome qui sortirait les intermittents de la solidarité interprofessionnelle. Leurs cotisations devraient alors s’équilibrer avec les indemnisations qu’ils perçoivent, alors qu’aujourd’hui le régime des intermittents dépense 4,1 euros par euro cotisé.