Grèce : DSK fustige le "diktat" imposé par l’Allemagne

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Dominique Strauss-Kahn, ancien patron du FMI © AFP
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M.-A.B. avec Reuters , modifié à
Dans une "lettre à ses amis allemands", l’ancien patron du FMI déplore les conditions dans lesquelles l’accord avec la Grêce a été trouvé.

L'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, accuse l'Allemagne d'imposer un "diktat" qui peut mener l'Union européenne à sa perte, dans une lettre ouverte qui déplore les conditions dans lesquelles un accord avec la Grèce a été trouvé. Dans sa "lettre à ses amis allemands", Dominique Strauss-Kahn estime que la longue nuit de négociations après laquelle le Premier ministre grec Alexis Tsipras a accepté un plan de sauvetage en échange de mesures draconiennes a été dictée par l'idéologie et non l'intérêt européen.

"Des conditions effrayantes pour qui croit en l'avenir de l'Europe".  Il ne dit mot des réformes demandées et n'entre donc pas dans le débat économique où le FMI a fait entendre une voix divergente de celle de Berlin en souhaitant que la dette grecque soit restructurée, mais se place sur le terrain politique. S'il juge "insuffisant mais heureux" que l'hypothèse d'une sortie de la Grèce de la zone euro, évoquée par l'Allemagne, ait été écartée, il déplore "les conditions de cet accord (...) proprement effrayantes pour qui croit en l'avenir de l'Europe". "Ce qui s'est passé pendant le week-end dernier est pour moi fondamentalement néfaste, presque mortifère", écrit "DSK".

"Diktat" et "climat dévastateur". L'ex-ministre français des Finances dit s'adresser à ses "amis allemands" qui comme lui "croient en l'Europe que nous avons voulu ensemble naguère", et à sa culture qui "incarne et revendique (...) une solidarité citoyenne". "De cette culture, nous sommes dépositaires (...) Mais le démon n'est jamais loin qui nous fait revenir à nos errements passés. C'est ce qui s'est produit pendant ce week-end funeste", insiste-t-il. "Sans discuter en détail les mesures imposées à la Grèce pour savoir si elles sont bienvenues, légitimes, efficaces, adaptées, ce que je veux souligner ici c'est que le contexte dans lequel ce diktat a eu lieu crée un climat dévastateur."

"Nous tournons le dos à ce que doit être l'Europe". Il accuse l'Allemagne d'avoir voulu saisir "l'occasion d'une victoire idéologique sur un gouvernement d'extrême gauche au prix d'une fragmentation de l'Union". "A compter nos milliards plutôt qu'à les utiliser pour construire, à refuser d'accepter une perte - pourtant évidente - en repoussant toujours un engagement sur la réduction de la dette, à préférer humilier un peuple parce qu'il est incapable de se réformer, à faire passer des ressentiments – pour justifiés qu'ils soient - avant des projets d'avenir, nous tournons le dos à ce que doit être l'Europe", dit-il.

"Nous dépensons nos forces en querelles intestines et nous prenons le risque d'enclencher un mécanisme d'éclatement. Nous en sommes là. Un fonctionnement de la zone euro dans lequel vous, mes amis allemands, suivis par quelques pays baltiques et nordiques, imposeriez votre loi sera inacceptable pour tous les autres."

Vers une "vassalisation à notre allié et ami américain" ? Selon l'ancien patron du FMI, les Européens doivent sortir de "l'ambiguïté" qui avait cours à la création de l'euro et inventer "une vision intelligente et rénovée de l'architecture de l'union monétaire", au risque de disparaître en tant que puissance. "Ne me dites pas que s'il en est ainsi et que si certains ne veulent rien entendre, vous continuerez votre route sans eux (...) Vous comme tous les Européens avez besoin de l'ensemble de l'Europe pour survivre, divisés nous sommes trop petits."

"L'enjeu est de taille. Une alliance de quelques pays européens, même emmenée par le plus puissant d'entre eux, sera peu capable d'affronter seule la pression russe et sera vassalisée par notre allié et ami américain à une échéance échéance qui n'est peut-être pas si lointaine", poursuit-il.