Fusion refusée avec Siemens : le PDG d'Alstom dénonce "une décision incompréhensible" et "un grand gâchis"

Henri Poupart-Lafarge critique les "préjugés de la Commission européenne". 2:43
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Invité d'Europe 1, Henri Poupart-Lafarge réagit à la décision de la Commission européenne de rejeter la fusion envisagée avec Siemens.
INTERVIEW

Coup de froid sur l’industrie européenne. Mardi, la Commission a rejeté le projet de fusion entre Alstom et Siemens. Les deux entreprises, spécialistes du transport, envisageaient de créer un géant européen à même de concurrencer l’ogre asiatique CRRC. Mais le rapprochement est désormais enterré. "Cette décision est totalement incompréhensible. C’est un grand gâchis", dénonce Henri Poupart-Lafarge, invité de l’interview éco d’Emmanuel Duteil, sur Europe 1.

La Commission sous le feu des critiques. À l'automne 2017, le PDG d'Alstom se déclarait certain que la fusion se ferait. Aujourd'hui, il est dubitatif sur les raisons qui ont poussé la Commission européenne à rejeter le projet. "Techniquement, notre dossier était très solide. Les arguments mis en avant par la Commission ne tiennent pas", assure Henri Poupart-Lafarge au micro d'Europe 1. Il cite ainsi l'exemple de la "très grande vitesse", motif d'inquiétude pour Bruxelles : "c’est un marché très concurrentiel, l’appel d’offre en cours en Grande-Bretagne compte cinq concurrents. Passer de cinq à quatre ne reviendrait pas à créer un monopole ou un duopole".

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On a buté contre des préjugés de la Commission européenne

Une stratégie industrielle à revoir. Henri Poupart-Lafarge déplore le manque de vision de l'Union européenne en matière d'industrie : "c’était une opportunité unique de créer un leader dans la mobilité globale, à base européenne, capable de se développer dans le ferroviaire, la 'smart mobilité', le digital…". Et le PDG d'Alstom ne décolère pas. "On a buté contre des préjugés de la Commission européenne. Si on a un reproche à se faire, c’est d’avoir sous-estimé ce parti-pris de la Commission contre l’établissement de champions européens, derrière lesquels elle voit constitution de monopoles", tance Henri Poupart-Lafarge.

À l'instar de Bruno Le Maire et de son homologue ministre de l'Économie allemand, Bruxelles doit réviser sa stratégie en matière industrielle. "L’industrie européenne est extrêmement éclatée, dans notre secteur comme dans d’autres. Nous avons essayé de regrouper deux acteurs pour en créer un nouveau, plus solide au niveau mondial. La Commission considère que ce n’est pas une voie à poursuivre, qu’il faut garder un grand éclatement au niveau européen", souligne Henri Poupart-Lafarge. "Il n’y a qu'à voir l’avalanche de réactions pour comprendre que je ne suis pas le seul à considérer que c’est une erreur industrielle. Beaucoup de secteurs en Europe gagneraient à être plus consolidés pour faire face à la globalisation de la concurrence."

Pas d'inquiétude pour Alstom. La décision de Bruxelles jette-t-elle une ombre sur la pérennité d’Alstom ? "Pas du tout", assure Henri Poupart-Lafarge. "Alstom est un groupe solide qui a enregistré un certain nombre de succès dans la période récente. Nous avons un carnet de commandes record et une situation financière extrêmement solide. Nous avions fait des analyses stratégiques qui nous amenaient à penser qu'une alliance avec Siemens apporterait énormément de valeur. Mais cela ne veut pas dire qu'Alstom ne peut pas vivre seul", précise le patron d'Alstom.

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Nous avons d’autres moyens de nous développer

Avec la fusion, Alstom s'était  engagé à ne fermer aucune usine et à ne supprimer aucun emploi. Une promesse que Henri Poupart-Lafarge compte toujours tenir, même sans le soutien de Siemens. "Aujourd'hui, le marché du transport est extrêmement prometteur. Si j'ai un message à faire passer, c'est plutôt celui de la difficulté que nous avons à recruter. J'ai 700 postes ouverts chez Alstom en ce moment", affirme le PDG. 

Une nouvelle alliance en vue ? Assurant qu'Alstom est "très compétitif" en Europe et au niveau mondial, Henri Poupart-Lafarge n'exclut toutefois pas de rechercher de nouvelles alliances. "Nous avons d’autres moyens de nous développer, d’atteindre le même but, à savoir la création d’un leader mondial. Il nous appartient de définir ces moyens", explique-t-il. Plus tôt dans la journée, Bruno Le Maire avait évoqué un rapprochement avec les activités ferroviaires de Thales. La piste du Canadien Bombardier revient également avec insistance. "Je prendrais la question dans l'autre sens. Nous allons définir la stratégie et voir quelles sont les options pour la mettre en place", lâche simplement Henri Poupart-Lafarge.