cour des comptes 2:15
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Olivier Samain, édité par Rémi Duchemin , modifié à
Le rapport annuel de la Cour des comptes sera publié mardi matin, et il devrait encore épingler plusieurs administrations peu soucieuses des dépenses des derniers publics. Mais les Sages de la rue Cambron en se contentent pas de critiques ponctuelles. Ils suivent de près le suivi de leurs recommandations.
ENQUÊTE

Depuis le départ de Didier Migaud à la tête de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la Cour des comptes fonctionne sans président. Mais cela ne l'empêche pas de continuer à passer au crible la gestion des deniers publics et de distribuer des cartons jaunes aux organismes qui font preuve de légèreté en la matière. C'est notamment le cas mardi, avec la publication de son rapport annuel 2020. La Cour des comptes a reproché au gouvernement français son ambition "limitée" pour redresser les finances publiques, dont l'évolution, avec une dette qui ne reflue pas, est "préoccupante". Mais qu'advient-il des critiques et des recommandations formulées par la Cour dans ses rapports précédents ? Sont-elles suivies d'effet ?

Une chose est sûre :  la Cour des comptes surveille ça de très près. Depuis 2012, elle passe au crible chaque année toutes les recommandations qu'elle a formulées au cours des trois exercices précédents et elle fait un pointage. Dans le rapport de l'année dernière, 72% des recommandations avaient été totalement ou partiellement mises en oeuvre. Ce qui veut dire que 28% ne l'avaient pas été. Et parmi ces 28%, 6% avaient fait l'objet d'un "refus de mise en oeuvre". Comprendre : "Je ne change rien, je ne me sens pas concerné par vos critiques".

L’année 2016 au crible

Cette année, la Cour a changé sa méthode : elle s'est focalisée sur la seule année 2016 pour voir ce que ça donne trois ans plus tard. Sur les 626 recommandations formulées en 2016, 75,6% ont été, depuis, totalement ou partiellement mises en oeuvre. 

Le transfert complet aux Urssaf de la collecte des cotisations des travailleurs indépendants est ainsi accompli depuis le 1er janvier 2020. En revanche, la réforme du logiciel de gestion des ressources humaines de l’Education nationale réclamée par les Sages il y a trois ans n’a pas vu le jour. Ça débouche aujourd’hui sur un gâchis de plusieurs centaines de millions d’euros.

La peur de la Cour… et de la mauvaise publicité

Mais dans l’ensemble donc, les recadrages de la Cour des comptes font mouche. Et ce qui pousse d’abord les organismes épinglés à corriger le tir, c’est que la Cour ne les lâche pas. Dans les années qui suivent le rapport, elle refait de nouveaux contrôles, le cas échéant sur place, avec la menace d'une nouvelle insertion dans le rapport de l'année suivante. C’est ce qui est arrivé récemment pour Radio France ou la politique salariale d'EDF.

Et puis l'autre facteur, qui joue sans doute encore plus, c'est la médiatisation du rapport et la peur de la mauvaise publicité. Quand, au détour d'une page, le grand public découvre les turpitudes de tel ou tel organisme, en interne, ça chauffe.

Dejà des changements à l’Ordre des médecins

Un exemple tout récent : en décembre dernier, le rapport sur le Conseil national de l'ordre des médecins a montré que certains anciens dirigeants se versaient des indemnités nettement supérieures au plafond autorisé, et se faisaient même rembourser des nuits d'hôtel à Paris alors qu'ils habitaient à Paris. "Ce qu’ils ont pris en plein figure, c’est l’exposition médiatique par rapport à ça", témoigne le docteur Pascal Charbonnel, élu à l'Ordre des médecins de l'Essonne. "Ce qui serait bien, c’est qu’on voit où en est l’Ordre dans un an. Je prends le pari qu’il aura été remis dans le droit chemin."

Preuve de l’impact de la Cour, trois moins plus tard, les pratiques, nous-dit-on, ont déjà été recadrées. Et les actuels dirigeants du Conseil de l'ordre ont saisi la justice contre leurs prédécesseurs.