Gabriel Attal 1:28
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Arthur De Laborde avec AFP / Crédit photo : SEBASTIEN BOZON / AFP , modifié à
Lors d'une interview accordée ce mercredi soir à TF1, Gabriel Attal a annoncé avoir demandé à sa ministre du Travail Catherine Vautrin "de préparer de nouvelles négociations" sur l'assurance chômage. Parmi les pistes avancées, le Premier ministre a évoqué une possible réduction de la durée d'indemnisation.

Gabriel Attal a souhaité mercredi sur TF1 une nouvelle réforme "globale" de l'assurance chômage qui réduirait la durée d'indemnisation des chômeurs, au moment où les dépenses sociales sont dans le viseur de l'exécutif pour combler le déficit qui a dérapé l'an dernier. Le Premier ministre a demandé à sa ministre du Travail Catherine Vautrin "de préparer de nouvelles négociations" avec les partenaires sociaux sur l'assurance chômage, avançant parmi les pistes une possible baisse de la durée d'indemnisation de 18 à 12 mois maximum.

"Désmicardisation"

Gabriel Attal s'exprimait après avoir réuni à Matignon dans la matinée un séminaire gouvernemental aux allures de conseil des ministres consacré au travail, plaidant notamment pour la "désmicardisation" du pays. Gabriel Attal a souhaité à cet égard "revoir le système des allégements de cotisations" pour que cela incite "davantage à augmenter" les bas salaires, sur lesquels une mission a déjà été confiée à deux économistes (Antoine Bozio et Etienne Wasmer) qui rendront leurs travaux "au mois de juin".

Alors qu'une nouvelle convention d'assurance chômage, négociée à l'automne par les organisations syndicales et patronales, devait être validée sous peu par le gouvernement, l'idée d'une nouvelle réforme a fait bondir les oppositions, à commencer par Marine Le Pen. La cheffe de file des députés RN a dénoncé "une escroquerie qui n'a qu'un seul but : faire les poches des Français pour renflouer les comptes de l'État qui sont en déficit à cause de l'impéritie du Gouvernement". "En 2024 l'assurance chômage sera excédentaire de 3 milliards d'euros", a pour sa part noté le patron des députés LR Olivier Marleix, criant à "l'enfumage" alors que sur "le train de vie de l'Etat", le gouvernement ne propose "rien".

"Saignée de Molière"

Car le gouvernement est en quête d'économies après le dérapage du déficit public à 5,5% du PIB en 2023, selon l'Insee. Soit 15,8 milliards d'euros de plus que les prévisions du gouvernement, qui exclut d'augmenter les impôts. Dix milliards d'euros de coupes ont déjà été actées mi-février sur le budget 2024, mais des économies supplémentaires seront à trouver dès cette année, a prévenu le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Et "au moins 20 milliards" pour 2025.

Mais Gabriel Attal a assuré sur TF1 qu'il conservait "l'objectif de passer sous les 3% de déficit en 2027" après ce dérapage inédit. Une nouvelle réforme de l'assurance chômage s'ajouterait à celles contestées par les syndicats de 2019 et de 2023. Pour la patronne de la CGT Sophie Binet, "il n'y a pas besoin de faire de séminaire gouvernemental pour brainstormer" car "ce sont les acteurs sociaux qui doivent gérer l'assurance chômage". "Ces mesures d'austérité que le gouvernement veut nous imposer, c'est un peu comme la saignée de Molière (...) ce soi-disant traitement qui, en fait accélère la mort", avait-elle accusé sur France Bleu Roussillon avant l'interview de Gabriel Attal.

"Lignes rouges"

Alors qu'un débat sur des hausses ou pas d'impôts divise la majorité, Gabriel Attal a affirmé ne "jamais (avoir) eu de dogme sur le sujet" des superprofits, en rappelant que les énergéticiens et les laboratoires de biologie avaient déjà été soumis à une taxe spécifique. Mais il a rappelé ses "lignes rouges" concernant les augmentations d'impôts. Que cela ne touche pas "les Français qui travaillent", en particulier les "classes moyennes"; ni "ce qui permet de financer le travail des Français".

La gauche est vent debout contre toute nouvelle réforme, comme les cinq grandes centrales syndicales qui ont appelé le 18 mars à "cesser la stigmatisation populiste des chômeurs". Mais un proche du Premier ministre estime que ces dernières ne parviendront pas à "massivement mobiliser là-dessus" comme sur la réforme des retraites. Les syndicats s'opposent également à la volonté de Bruno Le Maire que l'Etat reprenne en main l'assurance chômage, actuellement pilotée par les partenaires sociaux, via l'Unédic. Syndicats et patronat renégocient les règles tous les deux à trois ans pour tenir compte des évolutions du marché du travail. Sur ce point, Gabriel Attal a dit son attachement au "dialogue social", alors que sur l'emploi des seniors, très faible en France, les négociateurs syndicaux et patronaux ont entrevu mardi soir la possibilité de s'entendre avant une ultime séance prévue le 8 avril.

Prudent, un cadre de la majorité affirme toutefois qu'"il y a peu" de marges financières à dégager sur le travail. Les économies générées par la future réforme sont évaluées "à quelques milliards", a fait savoir Matignon mercredi soir. Mais "le signal est intéressant pour les institutions financières et les marchés", à l'approche d'une possible dégradation de la note de la France, note ce même ténor de la majorité. L'agence Moody's juge déjà "improbable" la réalisation des objectifs budgétaires de la France d'ici 2027.