Belfort : Alstom et l'Etat se donnent dix jours pour trouver une solution

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Faute de commandes, Alstom veut délaisser le site de Belfort. La région s'inquiète pour son attractivité, tandis que le gouvernement redoute les parallèles avec Florange.

Un maire "choqué", le président de la République qui prend la parole depuis la Roumanie, un secrétaire d'Etat qui accuse l'entreprise de comportement "scandaleux", etc. : le dossier Alstom est en train de virer à la foire d'empoigne. Mais que se passe-t-il chez Alstom et plus exactement sur son site de Belfort ? Et, surtout, que peut faire le gouvernement ? Seule certitude, le gouvernement s'est donné dix jours pour trouver une solution et Alstom ne prendra aucune décision d'ici là. Tour d'horizon d'un dossier d'autant plus sensible que l'élection présidentielle approche à grand pas. 

Que se passe-t-il à Belfort ? La direction d'Alstom a annoncé mercredi dernier l'arrêt de la production d'ici à 2018 sur le site de Belfort, spécialisé dans la construction de motrices TGV et de locomotives. "Aucune locomotive n'a été commandée depuis plus de 10 ans à Alstom en France et la production des motrices TGV, non assurée après 2018, est au rythme le plus bas de son histoire", a argumenté la direction dans un communiqué interne diffusé mardi.

Bien que l'entreprise ne parle ni de fermeture de site ni de plan social, cette décision inquiète tout un bassin d'emploi : 400 des 480 emplois localisés à Belfort seraient transférés en Alsace, sans compter les emplois induits et les sous-traitants. La nouvelle est d'autant plus difficile à accepter sur place que c'est à Belfort que fut assemblée la première locomotive du groupe Alstom. Le maire de la ville appelle ses administrés à une opération "ville-morte" le 24 septembre.

Alstom va-t-il si mal ? Tout est une question de point de vue. Démantelé par General Electric, qui a racheté son activité "énergie", Alstom s'est depuis recentré sur le secteur ferroviaire et semble rebondir. L'entreprise a récemment remporté une série de contrats très prometteurs : 28 trains à grand vitesse commandés pour l'Américain Amtrack, 150 trains régionaux pour l'italien Trenitalia, 20 rames et 19 voitures pour le métro de Lima au Pérou, ou encore 600 trains pour l'Afrique du Sud. 

Sauf que si le chiffre d'affaires d'Alstom a bondi de plus de 11% entre les exercices 2014/2015 et 2018/2016, cette charge de travail ne va pas profiter à la France. En effet, la plupart des contrats portant sur du matériel ferroviaire prévoient que leur construction soit effectuée sur place ou dans la région. Résultat, les trains vendus à Amtrack seront fabriqués aux Etats-Unis, ceux destinés à l'Afrique du Sud seront assemblés dans les environs de Johannesburg, etc. Bref, Alstom se porte bien à l'exception de la France, où les commandes sont de moins en moins nombreuses.

Comment réagit le gouvernement ? Redoutant un effet Florange, le gouvernement n'a pas tardé à s'emparer du dossier, convoquant la direction de l'entreprise, avant de rencontrer les syndicats et les élus locaux. Et son message est clair : tout sera fait pour sauver le site de Belfort. "Je l'assure ici: tout sera fait pour que le site de Belfort puisse être pérennisé. Cela veut dire pour de nombreuses années", a promis mardi le président français. "Il est hors de question que le site de Belfort ferme", a renchéri une heure plus tard le Premier ministre.

Pourquoi le ton monte-t-il entre l'Etat et Alstom ? Chacun reproche à l'autre de ne pas jouer le jeu. L'Etat accuse notamment l'entreprise de ne pas l'avoir prévenu en amont, le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christophe Sirugue, allant jusqu'à dénoncer "une faute", "un procédé tout à fait scandaleux". Une accusation d'autant plus surprenante que l'Etat détient 20% du capital d'Alstom et siège donc au conseil d'administration, où ce genre de décision doit être annoncé. Alstom répond de son côté avoir "alerté les pouvoir publics sur cette situation depuis plusieurs mois". Désormais à la Une de l'actualité, l'entreprise redoute de se faire forcer la main par l'Etat en dépit des contraintes économiques. D'autres voix soupçonnent au contraire Alstom d'avoir fait cette annonce juste avant que la RATP en lance un énorme appel d'offre, afin d'en récupérer la plus grande part.

Que peut faire l'Etat ? Le gouvernement examine les leviers qu'il pourrait actionner. Alstom, "c'est une entreprise privée mais qui vit beaucoup grâce à la commande publique, à l'action de l'Etat, de ses grands opérateurs, je pense bien sûr à la SNCF, à la RATP, aux trains régionaux, aux collectivités territoriales, aux régions, aux grandes agglomérations", a rappelé Manuel Valls. Le cap est donc fixé : "nous travaillons sur la commande publique". Il n'en demeure pas moins que la SNCF comme la RATP devront lancer des appels d'offre et ne pourront choisir Alstom que si ce dernier présente la meilleure offre. D'autant plus que ces deux entreprises sont endettées et ne peuvent pas se permettre de faire un cadeau à Alstom.

Invité d'Europe 1 mardi, le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, a précisé travailler sur cinq pistes susceptibles de remplir le carnet de commandes d'Alstom : 


alain vidaliespar Europe1fr

Après avoir rencontré les syndicats d'Alstom mardi après-midi, le secrétaire d'Etat à l'Industrie a promis d'apporter des réponses d'ici dix jours. Les discussions ont également repris avec Alstom, qui "confirme s'être engagé dans des discussions avec le gouvernement français sur l'avenir de son site de Belfort. Aucune décision ne sera prise avant leurs conclusions".