La révolution Cantona aura-t-elle lieu ?

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avec Carole Ferry , modifié à
Retirer tout son argent des banques s’avère (en réalité) beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît.

Au départ, c’est une simple petite phrase au détour d’une conversation avec un journaliste diffusée sur internet : "s'il y a 20 millions de gens qui retirent leur argent, le système s'écroule (...). La révolution se fait par les banques". Depuis, un site internet et un groupe Facebook ont repris l’appel d'Eric Cantona en fixant une date pour le rendez-vous : le mardi 7 décembre.

Mais faire la révolution "par les banques" en créant un mouvement de panique, un phénomène décrit par les économistes comme un "bank run", est plus compliqué que prévu. Explications.

La révolution se prépare à l’avance. Pour les retraits d’argent importants, les banques exigent souvent quelques jours de délais à leurs clients. Or aucune banque française n’a signalé, pour l’instant, de demandes massives pour retirer de l’argent ou clôturer des comptes. Et quand même bien : s’il y a des retraits massifs, ils seront répartis sur les six grands réseaux bancaires nationaux, qui compte environ 40.000 agences réparties sur le territoire. Difficile d’imaginer une file d’attente devant chacune d’elle.

La révolution doit durer. Pour que le "système s’écroule", il faudrait d’abord que les retraits soient massifs, puis qu’il n’y ait plus d’entrées d’argent. Or, en France, le versement en liquide d’un salaire est impossible s’il dépasse 1.500 euros. Dès le début du mois de janvier, les "révolutionnaires" qui gagnent plus de 1.500 euros devraient donc repasser à la banque pour revider leurs comptes.

Combien seront-ils à participer ?

Les révolutionnaires devront être nombreux. Difficile dans l’immédiat de quantifier le nombre de Français qui vont effectivement suivre l’appel d’Eric Cantona. Parmi les indicateurs : la page Facebook de l’opération "Révolution ! Le 7 décembre, on va tous retirer notre argent des banques !". Elle comptait bien à moins de 24 heures du rendez-vous plus de 37.000 participants déclarés et près de 30.000 participants potentiels. Mais aussi plus de 118.000 internautes qui préviennent d’ores et déjà qu’ils n’en seront pas.

Les révolutionnaires devront retirer beaucoup d’argent. La Russie en 1998, l’Argentine en 2001 ou le Royaume-Uni en 2008 : voilà des pays qui ont connu récemment des phénomènes de panique bancaire, sur fond de crise économique. En France, pour atteindre un tel "bank run", les spécialistes estiment qu’il faudrait retirer plusieurs centaines de millions d'euros, et ce au moins en quelques heures.

Le révolutionnaire devra apprendre à vivre avec du liquide. "Vous avez tout votre argent sous votre matelas et il faut vous déplacer pour tout payer, votre électricité, votre impôt, votre assurance, votre loyer, etc…" : voilà le scénario post-"révolution" décrit par Pierre Bocquet, de la Fédération bancaire française, interrogé par Europe 1. Il pointe au passage les risques de vol… "Si on fait une publicité pour mardi, en disant il y a aura beaucoup de monde avec plein d’argent en cash dans les poches, je pense qu’un certain nombre de personnes pourraient être intéressées à les repérer", met-il en garde.

Si la "révolution" Cantona échoue, les économistes restent malgré tout sur leurs gardes. Parce qu’au-delà de sa faisabilité, elle sert de révélateur. "Aujourd’hui, l’opinion publique a encore un vrai malaise vis-à-vis du monde bancaire et donc il est probablement important de prendre ce type de mouvements au sérieux. Il est très gênant qu’en France, aujourd’hui, la finance soit à ce point considérée comme un monde de brigands", met en garde Philippe Dessertine, le directeur de l'Institut des hautes finances, interrogé par Europe 1.