La Cheminée

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Est-il vraiment judicieux de désigner le sympathique foyer dans lequel vous faites brûler quelques bûches tout en égrenant une chanson de Hugues Aufray, par le vocable générique « cheminée » ?

Est-il vraiment judicieux de désigner le sympathique foyer dans lequel vous faites brûler quelques bûches tout en égrenant une chanson de Hugues Aufray, par le vocable générique « cheminée » ?

 

 

Alors que celui-ci décrit aussi bien la partie supérieure du système d’évacuation des fumées située sur le toit d’une habitation, la grande colonne de brique ou de béton installée dans les usines, ou encore le conduit d’un volcan qui canalise fumerolles et lave vers l’air libre ! Sans parler des cheminées de fée que dame Nature a créées, en Cappadoce notamment. Alors, sans verser dans la simplification populaire ni dans le jargonnesque ridicule, jouons les petits ramoneurs pour tenter d’y voir plus clair.

 

Etymologiquement, c’est le grec, via le latin caminus qui nous donnera « Queminée » puis « cheminée », des termes qui ne désignaient que l’âtre, le foyer d’une maison. Une acception qui prévaut toujours mais qui, pour notre malheur linguistique, a embrassé bien d’autres sens comme nous venons de le voir.

 

 

 

 

Il n’y a pas de fumée sans feu.

 

Se prémunir des rigueurs de la météo a été, depuis les temps les plus anciens, l’une des préoccupations majeures de l’Homme ; évoluant du feu en plein air ou dans une grotte à l’escharion (brasero sur roulettes) cher aux Grecs et au foculus (réchaud) des Romains. Cela dit, dans l’antiquité, que ce soit au Moyen-Orient, en Grèce, en Egypte, en Italie, les amplitudes saisonnières sont faibles et on se contentait, le cas échéant, de remplir des récipients de braises, les brasières, qu’on déplaçait d’une pièce à l’autre pour les réchauffer. On utilisait du bois bien sûr, mais aussi des noyaux d’olives au rendement extrêmement élevé.

 

Donc, pas de cheminée fixe si ce n’est un foyer central, et encore moins de conduit d’évacuation des fumées. Même si les Grecs et les Romains savent réchauffer l’air (et l’eau) avant de la faire circuler dans des tuyaux placés sous le sol, ou dans les murs (système de l’hypocauste).

 

 

 

 

Faire feu de tout bois.

 

Chez les petites gens, dès l’époque gallo-romaine mais surtout au haut Moyen-Age, on réservait un recoin de l’habitat à l’entretien d’un feu pour réchauffer son intérieur certes, mais également pour de nombreux usages domestiques (cuisson des aliments, fumage des viandes, mais aussi benne à ordures…). Ces premières cheminées se composaient alors d’une simple niche creusée dans l’épaisseur d’un mur et surmontée d’une hotte pyramidale.

 

Ce qui amena naturellement à prévoir un conduit d’évacuation des fumées sous peine de mourir asphyxié dans les plus brefs délais. La cheminée était née. De conception simple d’abord, elle se sophistiqua avec une maçonnerie protectrice et une évacuation extérieure (la souche) qui mettait le feu à l’abri des pluies diluviennes.

 

 

 

 

 

Améliorer le modèle.

 

Au fil des siècles, les âtres devinrent immenses (jusqu’à dix mètres de large pour deux mètres trente de profondeur), dans une tentative désespérée de produire de la chaleur pour toute la pièce, alimentées par des troncs d’arbres jusqu’à deux ou trois mètres de long ! Le soir, à la veillée, on s’installait carrément sous le manteau de la cheminée pour y gagner quelques degrés supplémentaires.

 

Puis, on tenta d’améliorer le modèle en réduisant leurs dimensions, pour un meilleur rapport combustible brûlé et chaleur produite, tout en maximisant le tirage pour éviter, autant que faire se peut, l’enfumage de la pièce. On installa ainsi un grand nombre de foyers de plus petites dimensions dans les appartements privés des châteaux. Ce que copieront les bourgeois dès le XIVe siècle avec des cheminées à la taille conforme aux pièces qu’elles réchauffaient.

 

C’est sous Louis XV que la cheminée devint meuble avec une tablette de marbre pour recevoir bronzes, pendules, vases et autres bibelots, le plus souvent surmontée d’un miroir. Evidemment, le progrès apportant son lot de chauffages élaborés et l’électroménager, la cheminée tomba en désuétude et il fallut attendre le XXe siècle pour qu’elle revienne à la mode grâce à l’expansion des pavillons et autres maisonnettes qui y retrouvaient un appoint calorifère, certes, mais surtout une ambiance d’antan.

 

 

 

 

L’âtre, le conduit et la souche.

 

Il ne nous reste plus qu’à détailler les principaux éléments de la cheminée moderne : le foyer (ou âtre), dans lequel se consume le bois, surmonté d’un conduit évacuateur de fumées qui, en traversant le toit, devient souche. Alors, que dire ? Le bon sens devrait l’emporter car, dans son contexte, le mot « cheminée » déterminera de façon univoque ce dont on parle : la souche sur le toit, le conduit ou l’âtre, même si un peu de précision, dans le langage de tous les jours, ne saurait nuire. Ce qui éviterait à certains d’affirmer qu’ils vont faire un feu de cheminée, une vraie catastrophe puisque cela indiquerait que c’est le conduit, couvert de suie, qui a pris feu pour se terminer en incendie généralisé de la maison ! N

 

e serait-il pas préférable de dire qu’on va faire un feu dans la cheminée ou allumer un feu de bois ? Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous… (air connu).