L’avenir de la SNCM s’assombrit un peu plus

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MAUVAIS AUGURE - Pour le rapporteur public, les aides publiques perçues par la compagnie maritime seraient illégales et pourraient devoir être remboursées.

Placée en redressement judiciaire, la SNCM ne va pas bien et attend de trouver un repreneur. Mais les rares investisseurs toujours en lice pour racheter la compagnie maritime risquent d’être encore moins nombreux. La SNCM est en effet menacée de devoir rembourser des aides publiques, dossier dans lequel le rapporteur du tribunal administratif de Bastia a donné son avis jeudi : à ses yeux, ces 220 millions d’euros d’aides sont illégales et pourraient devoir être remboursées. De quoi décourager les derniers repreneurs potentiels.

Le dossier des aides d’Etat, une épée de Damoclès. Déjà en difficulté au moment de sa privatisation en 2006, la SNCM avait bénéficié d’un coup de pouce : plus de 200 millions d’euros d’aides d’Etat. Un soutien jugé illégal en septembre 2014 par la justice européenne, qui y voit une entorse aux règles sur la concurrence. La SNCM est donc sommée de rembourser cette somme, mais ce n’est tout : la compagnie a aussi bénéficié de 220 millions d’aides au titre de la délégation de service public maritime et, là aussi, elle risque de devoir les rendre.

C’est en tout cas l’avis du rapporteur public du tribunal administratif de Bastia, qui a rendu sa décision jeudi. Son analyse doit permettre d’éclairer le tribunal et pèse donc lourd. Or, à ses yeux, la délégation de service public (DSP) qui justifiait ces aides entre 2010 et 2015 n’a pas été faite dans les règles : elle est donc contestable et pourrait donc être annulée. Ce qui signifie que la SNCM pourrait devoir rembourser 220 millions d’euros en plus de 200 millions évoqués précédemment. Soit environ 420 millions alors que les caisses de la société sont vides.

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En cause, une délégation de service public contestable. Rien n’est encore acté puisque le tribunal rendra sa décision le 2 avril. Mais l’avis du rapporteur public compte et pour ce dernier, il y a de bonnes raisons d’annuler les aides au titre de la DSP. Notamment au regard de la manière dont l’Etat a choisi la compagnie qui serait subventionnée pour assurer une desserte minimum entre la Corse et le continent.

Pour le rapporteur public, l’appel d’offre fut entaché d’irrégularités puisque le principal concurrent de la SNCM, la compagnie privée Corsica Ferries France, a été écarté pour des raisons discutables : car au lieu de déposer une offre globale, comme la SNCM, elle avait détaillé son offre ligne par ligne. C’est pour ce critère qu’elle aurait perdu l’appel d’offres, alors même qu’il ne lui avait pas été précisé qu’il fallait déposer une offre globale. "Si le principe reste que les offres sont librement négociées, il n'en demeure pas moins que la décision de l'autorité délégante ne peut se fonder sur un motif entaché d'erreur de droit", a estimé le rapporteur public.

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Et dont le montant est tout sauf clair. Pour le rapporteur public, non seulement l’attribution de cette aide ne s’est pas faite dans les règles, mais en plus son montant est contestable. Pour qu’une aide d’Etat ne soit pas considérée comme une entorse à la concurrence, il faut respecter certaines conditions : la manière dont le montant de l’aide est calculé doit être fixée à l’avance, ce qui n’a pas été le cas.

De plus, "le niveau de la compensation nécessaire n'a pas été déterminé sur la base d'une analyse des coûts d'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport". En clair, l’attribution de la DSP et des aides qui vont avec ne s’est pas faite dans la transparence. Ce qui la rend contestable devant la justice européenne et pourrait obliger la SNCM à la rembourser. Si la justice confirme cette analyse, les derniers candidats à la reprise de la SNCM risquent de jeter l’éponge.

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