Chic on déménage, Zut on déménage !

On le sait et les statistiques le confirment, plus on est jeune – moins de 35 ans - plus on déménage souvent.
On le sait et les statistiques le confirment, plus on est jeune – moins de 35 ans - plus on déménage souvent.
Les dix ou quinze premières années de la vie des jeunes adultes sont des années où l’on déménage pour être autonome, construire sa vie à sa façon, avoir un logement plus confortable, plus vaste ou plus près de son travail.
Et pour ceux qui, aux abords de la quarantaine, se séparent, le déménagement s’impose souvent de lui-même. Enfin, c’est moins fréquent mais néanmoins fort difficile, il faut déménager à la suite d’un veuvage, de la perte de son emploi, du décès d’un parent. Le drame fait aussi déménager.
Les choses de la vie
Les ménages veulent vivre plus à l’aise, dans des logements qui accueillent plus facilement les objets qui les accompagnent d’étape en étape et ceux qu’ils achètent pour « monter » leur chez-soi d’adulte.
Le déménagement est lié à la société de consommation : il faut de la place pour ranger et gérer les choses accumulées, reçues, achetées et pour mettre en scène le décor de sa vie familiale.
Il en faut aussi pour s’installer durablement, jusqu’à ce que la cinquantaine et la perspective de la retraite puis de la vieillesse entraînent un autre déménagement.
La crise
C’est décidé, on déménage. Mais l’un, qui quitte la maison où il est né car elle devenue trop petite pour sa famille se dit « littéralement malade, deux mois avant le déménagement » ; l’autre, dont l’époux vient d’être muté dans une ville voisine, se sent « paniquée … cette grande villa, c’est plus d’investissement de mon temps…j’ai vécu ça comme un traumatisme à tous les niveaux» ; le troisième, heureux de quitter la grande ville, dit pourtant : « avant de tout démonter, emballer et remonter …il faut s’attaquer à tout ça … je suis déjà épuisé. »
Déménager, ça fait perdre le nord …
Tout démonter : voilà le problème … car une maison est aussi un montage, un assemblage de choses en quelque sorte soudées par le simple fait que nous les avons placées autour de soi, dans leur solidité et leur permanence, jour après jour. Ce monde à soi a acquis un ordre qui nous est propre et familier. C’est grâce à lui qu’on se sent entier et rassuré, enveloppé et au chaud.
Et voilà que ce tout est éclaté. On regarde les cartons autour de soi et on se sent déstabilisé. C’est le souk et on n’en revient pas. Cette chose, qui me suit depuis l’enfance, quel sens y a-t-il à le garder ? Et cette autre chose, héritée, est-ce que je peux m’en débarrasser sans avoir le sentiment de rejeter ma famille ? Ces papiers, ces photos ? Il faudrait décider de ce qui est digne d’être gardé et donc digne de qui je suis devenu.
Trier, c’est garder et jeter et comme cela est difficile quand on se dit que jeter un objet c’est parfois comme se couper de qui vous l’a donné, c’est peut-être oublier l’événement qu’il évoque, voire rejeter ce qu’il représente : la famille, son enfance, un pays, un engagement …Mille minuscules décisions lassent et fâchent, au point que certaines familles y renoncent transportent, d’un déménagement au suivant, des caisses jamais ouvertes.
Epreuve morale, le déménagement est aussi une épreuve physique, surtout pour les moins de 40 ans qui engagent moins les déménageurs et qui sont justement ceux qui déménagent le plus fréquemment. Le corps et les émotions du cœur sont ainsi mobilisés en même temps. La fatigue est complète.
Et ça vous dynamise
Mais, voilà, justement parce qu’il mobilise le corps et le cœur, le déménagement est une prouesse, un haut fait. Certains ne le considèrent pas seulement comme un des événements normaux de la vie, mais comme une occasion de manifester sa vitalité, son dynamisme, sa créativité et même comme une façon de d’éloigner le spectre de l’immobilisme final, celui de la mort.
« Déménager, c’est positif, ça prouve que vous existez et … on peut être fier de ce qu’on a fait. »
Plus encore : déménager c’est être capable de se projeter dans une autre maison, c’est « voir » à l’avance ce que l’on peut « faire » de ce nouveau territoire.
En d’autres termes, le déménagement déclenche un dynamisme et mobilise des capacités d’appropriation, indispensables pour se sentir chez soi.
La tornade, avant le repos
Mais pas d’appropriation sans d’abord passer par une phase de purification de l’endroit : on balaie, on lave, parfois on brûle, on repeint ! Ensuite, que de décisions à prendre encore et quelle fatigue physique … mais tout a changé car ces gestes ont un autre sens : le remontage a commencé … milles nouvelles décisions doivent être prises pour rebâtir son monde avec l’espoir de se ressentir à nouveau entier.